Le Mensonge Idéal

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CHAPITRE DEUX

L’homme rôdait dans le hall extérieur de l’immeuble d’appartements en regardant par-dessus son épaule toutes les quelques secondes. C’était tôt le matin et un homme comme lui, aussi épais qu’un tank, afro-américain et affublé d’un sweat à capuche, avait tendance à attirer l’attention.

Il était au huitième étage, juste devant l’appartement de la femme qui, savait-il, habitait là. Il savait aussi à quoi ressemblait sa voiture et, comme il l’avait vue dans le garage du dessous, il en déduisait qu’elle devait être chez elle. Par précaution, l’homme frappa doucement à la porte de devant.

Il n’était même pas sept heures du matin et il ne voulait pas que des voisins tôt levés l’observent avec curiosité. Il faisait froid dehors, ce matin, et l’homme ne voulait pas enlever sa capuche. Cependant, craignant de trop attirer l’attention, il baissa la capuche, exposant sa peau à la morsure du vent.

Quand personne ne répondit, il essaya sans y croire d’ouvrir la porte. Il était sûr qu’elle devait être verrouillée et elle l’était. Il alla à la fenêtre d’à-côté. Il voyait qu’elle était légèrement ouverte. Il se demanda s’il fallait vraiment qu’il insiste. Après un moment d’hésitation, il se décida, remonta brusquement la fenêtre et entra ainsi dans l’appartement. Il savait que, si quelqu’un le voyait, il appellerait la police, mais il avait décidé que le risque en valait la peine.

Quand il se retrouva à l’intérieur, il essaya de se rendre discrètement dans la chambre. Toutes les lumières étaient éteintes et il y avait une odeur étrange qu’il n’arrivait pas à identifier. Quand il s’enfonça dans l’appartement, il eut un frisson sans aucun rapport avec le temps qu’il faisait. Il atteignit la porte de la chambre, tourna doucement la poignée et regarda à l’intérieur.

Sur le lit, il y avait la femme qu’il s’était attendu à voir. Elle semblait être en train de dormir, mais il y avait quelque chose de bizarre. Même dans la faiblesse de la lumière matinale, sa peau avait l’air étrangement pâle. De plus, elle ne semblait pas bouger du tout. Sa poitrine ne montait ni ne descendait. Elle n’effectuait pas le moindre mouvement. Il entra dans la chambre et avança jusqu’au lit. À présent, l’odeur était accablante, une puanteur qui sentait la putréfaction et qui le faisait pleurer en lui donnant mal à l’estomac.

Il voulait tendre le bras et la toucher, mais il ne pouvait pas s’y résoudre. Il voulait dire quelque chose, mais il ne trouvait pas les mots. Finalement, il se détourna et sortit de la chambre.

Il sortit son téléphone et composa le seul numéro qui lui vint en tête. Après plusieurs sonneries, le téléphone diffusa une voix enregistrée. Il appuya sur plusieurs boutons et repartit dans le salon de l’appartement en attendant une réponse. Finalement, une voix se fit entendre.

— 911. Quelle est votre urgence ?

— Euh, je m’appelle Vin Stacey. Je crois que mon amie est morte. Elle s’appelle Taylor Jansen. Je suis venu à son appartement parce que cela faisait plusieurs jours que je n’arrivais pas à la contacter. Elle est allongée dans son lit, mais elle ne bouge pas et elle … n’a pas l’air normale. Et puis, il y a une odeur.

Ce fut à ce moment que la réalité de la situation le frappa. Taylor, femme vivace et enthousiaste, gisait morte à moins de neuf mètres de lui. Il se pencha et vomit.

*

Assise à l’arrière, Jessie espérait que c’était la dernière fois. Le véhicule des U.S. Marshals entra dans le parking du Poste Central de la police de Los Angeles et se gara dans une place réservée aux visiteurs. À cet endroit-là, le patron de Jessie, le capitaine Roy Decker, l’attendait.

Il n’avait pas l’air très différent de la dernière fois où elle l’avait vu. Il avait presque soixante ans, mais il avait l’air beaucoup plus âgé. Il était grand et maigre, quasiment chauve, avait le visage très ridé, le nez pointu et de petits yeux pénétrants. Il parlait à un agent en uniforme mais, visiblement, il était venu rencontrer Jessie.

— Ouah, dit-elle d’un ton sarcastique aux marshals assis à l’avant, j’ai l’impression d’être une femme du dix-huitième siècle que son père remet formellement à son mari.

Le marshal assis sur le siège du passager la regarda d’un air renfrogné. Il s’appelait Patrick Murphy, même si tout le monde l’appelait Murph. Petit et svelte, avec des cheveux marron coupés très court, il donnait l’impression d’être un homme terre à terre, même si cela s’avérait être un peu une pose.

— Dans ce scénario, il faudrait un mari qui voudrait de toi, chose que je trouve fort peu crédible, dit l’homme qui avait organisé une grande partie de la protection de Jessie pendant qu’elle avait essayé d’échapper à plusieurs tueurs en série.

Seule une trace très légère de sourire aux coins de sa bouche suggérait qu’il plaisantait.

— Comme toujours, tu es un prince parmi les hommes, Murph, dit Jessie avec une fausse politesse. Je ne sais pas comment je vais pouvoir me débrouiller sans le soutien permanent de ton charme.

— Moi non plus, marmonna-t-il.

— Ou sans votre sens exceptionnel de la conversation, marshal Toomey, dit-elle au chauffeur, un homme énorme à la tête rasée et au visage sans expression.

Toomey, qui ne prenait que rarement la parole, hocha la tête en silence.

Le capitaine Decker, qui avait fini de parler à l’agent, regarda Jessie et les deux autres avec impatience, attendant qu’ils sortent de la voiture.

— J’imagine que c’est fini, dit Jessie en ouvrant la portière et en sortant avec plus d’énergie qu’elle n’en ressentait. Comment allez-vous, capitaine ?

— Je vais avoir plus de problèmes aujourd’hui qu’hier, maintenant que je dois à nouveau vous gérer, dit-il.

— Je vous jure, capitaine, que Murph ici présent a récupéré une dot importante pour moi. Je promets de ne pas être un fardeau et de toujours payer ma nourriture.

— Quoi ? demanda-t-il, perplexe.

— Oh, papa, dit-elle en se retournant vers Murph, faut-il que je quitte la ferme ? Vous allez terriblement me manquer, toi et maman.

— Qu’est-ce qui se passe, bon sang ? demanda Decker d’un ton autoritaire.

Murph se força à afficher un masque de sérieux et se tourna vers le policier confus qui s’était approché de la vitre côté passager.

— Capitaine Decker, dit-il solennellement en lui tendant le porte-bloc avec une feuille de papier dessus, le devoir de protection du U.S. Marshal Service n’est plus nécessaire. Par la présente, je renonce officiellement à la garde de Jessie Hunt et je la remets à la Police de Los Angeles.

— La garde ? répéta Jessie avec irritation.

Murph continua sans tenir compte d’elle.

— Toutes les mesures de sécurité supplémentaires sont maintenant à la charge de votre département. Vous le reconnaîtrez en signant ce document.

Decker prit le porte-bloc et signa le papier sans le lire. Alors, il le rendit et regarda Jessie.

— Bonne nouvelle, Hunt, dit-il de façon bourrue sans l’enthousiasme avec lequel on annonçait habituellement les bonnes nouvelles. Les inspecteurs qui essaient de retrouver Bolton Crutchfield ont trouvé des vidéos d’un homme qui correspond à sa description et qui a traversé la frontière mexicaine hier. Vous êtes peut-être finalement débarrassée de ce gars.

— A-t-il été identifié par reconnaissance faciale ? demanda-t-elle d’un air sceptique en renonçant à sa fausse voix pour la première fois.

— Non, admit-il. Il a gardé la tête baissée pendant toute la traversée du pont, mais il correspond presque parfaitement à la description physique. En outre, le fait qu’il ait pris soin de ne jamais se laisser filmer nettement suggère qu’il savait ce qu’il faisait.

— C’est effectivement une bonne nouvelle, dit-elle en décidant de ne pas en dire plus sur la question.

Elle était certes d’avis qu’elle n’était probablement plus dans le collimateur de Crutchfield, mais pas grâce à une surveillance vidéo sommaire qui semblait beaucoup trop commode. Bien sûr, elle savait qu’elle ne pouvait pas dire à Decker que la seule chose qui la rassurait vraiment était le faible que le tueur était supposé avoir pour elle.

— Vous êtes prête à retourner au travail ? demanda-t-il, convaincu d’avoir résolu toutes les inquiétudes qu’elle aurait pu encore avoir.

— Dans juste une minute, capitaine, dit-elle. J’ai juste besoin de dire rapidement un mot aux marshals.

— Faites-le vite, dit Decker en s’éloignant de plusieurs pas. Une longue journée au bureau vous attend.

— Oui, monsieur, dit-elle avant de se pencher vers la vitre du conducteur.

— Je crois que c’est toi qui me manqueras le plus, l’Épouvantail, dit-elle à Toomey.

Toomey avait été son premier marshal pendant les deux derniers mois. Il répondit à Jessie d’un hochement de tête. Apparemment, aucun mot n’était nécessaire. Alors, elle passa côté passager et regarda Murphy d’un air coupable.

— Sérieusement, je voulais juste dire que j’ai énormément apprécié tout ce que tu as fait pour moi. Tu as mis ta vie en danger pour me protéger et je ne l’oublierai jamais.

Murphy marchait encore avec des béquilles, mais on lui avait retiré ses plâtres aux jambes la semaine dernière pour les remplacer par des bottes souples. C’était à peu près à la même période qu’on lui avait permis d’enlever l’écharpe qu’il avait portée au bras.

S’il avait eu toutes ces blessures, c’était parce qu’il avait été frappé par la voiture que Xander Thurman avait conduite quand il leur avait tendu une embuscade dans une ruelle, à lui et à Jessie. Il lui avait cassé les deux jambes et la clavicule. Donc, officiellement, il lui restait quatre mois de congé. Ce matin, il était seulement venu dire au revoir à Jessie.

 

— Ne commence pas à me pleurer dessus, protesta-t-il. Nous avons bien rodé cette attitude « alliés réticents mais coriaces ». Tu vas tout gâcher.

— Comment va la famille d’Emerson ? demanda-t-elle doucement.

Troy Emerson était le marshal que son père avait abattu à la tête par cette terrible soirée. Jessie n’avait connu son prénom qu’après sa mort et n’avait appris qu’à ce moment-là qu’il était marié depuis peu et qu’il avait un fils de quatre mois. Elle n’avait pas pu aller à l’enterrement à cause de ses blessures, mais elle avait pris contact par la suite avec la veuve d’Emerson, qui ne lui avait pas répondu.

— Kelly se remet, lui assura Murph. Elle a reçu ton message. Je sais qu’elle veut te répondre, mais il lui faut juste plus de temps.

— Je comprends. Honnêtement, si elle ne voulait jamais me parler, je comprendrais.

— Hé, ne culpabilise pas, répondit-il presque avec colère. Ce n’est pas de ta faute si ton père était psychopathe. Quant à Troy, quand il a accepté ce travail, il en connaissait les risques, comme nous tous. Tu peux comprendre sa femme, mais ne te sens pas coupable.

Jessie hocha la tête sans arriver à trouver de réponse adéquate.

— Je te serrerais bien dans mes bras, dit Murph, mais ça me ferait grimacer et pas pour des raisons émotionnelles. Donc, disons qu’on l’a fait, OK ?

— Si vous le dites, marshal Murphy, dit-elle.

— Ne sois pas formelle avec moi, maintenant, insista-t-il en se replaçant délicatement dans le siège passager de la voiture. Tu peux encore m’appeler Murph. Moi, je ne vais pas arrêter de t’appeler par ton surnom.

— Quel surnom ? demanda-t-elle.

— L’emmerdeuse.

Jessie ne put s’empêcher de rire.

— Au revoir, Murph, dit-elle. Embrasse Toomey pour moi.

— Je le ferais même sans qu’on me le demande, cria-t-il quand Toomey appuya sur l’accélérateur en faisant crisser les pneus sur le béton du garage.

Jessie se retourna et vit Decker qui la regardait avec impatience.

— Vous avez fini ? demanda-t-il sèchement. Ou alors, devrais-je regarder N’oublie Jamais pendant que vous vous vautrez tous dans vos émotions ?

— Je suis contente d’être de retour, capitaine, dit-elle avec un soupir.

Il commença à entrer dans le bâtiment et fit signe à Jessie de le suivre. Elle accéléra le pas sans tenir compte de son élancement à la jambe. Alors qu’elle le rattrapait, il lui expliqua ce qu’il avait prévu pour elle.

— Ne vous attendez pas à aller sur le terrain pendant un certain temps, dit-il de façon bourrue. Quand j’ai parlé de vous placer à un bureau, je l’ai dit sérieusement. Vous manquez de pratique et je vois que vous tentez désespérément de ne pas boiter avec cette jambe droite quand vous marchez. Tant que je ne considérerai pas que vous avez retrouvé votre forme, vous devrez vous habituer aux lumières fluorescentes de la grande salle.

— Vous ne croyez pas que je reprendrais plus rapidement le rythme si je m’y replongeais directement ? demanda Jessie.

Elle essayait de ne pas donner l’impression de le supplier, mais il fallait qu’elle fasse deux fois plus de pas que lui pour arriver à le suivre dans le hall.

— Amusant. C’est presque exactement ce que votre ami Hernandez a dit quand il est revenu la semaine dernière. Je l’ai mis à un bureau, lui aussi, et devinez quoi ? Il y est encore.

— Je ne savais pas qu’Hernandez était de retour, dit-elle.

— Je croyais que vous étiez très proches, vous deux, dit-il quand ils passèrent le coin.

Jessie lui jeta un coup d’œil en coin, essayant de déterminer si son patron suggérait quelque chose, mais il paraissait sincère.

— Nous sommes amis, reconnut-elle, mais je crois que, avec les blessures qu’il a eues et son divorce, il voulait rester seul quelque temps.

— Vraiment ? dit Decker. On n’aurait pas dit ça.

Jessie ne sut pas comment interpréter cette remarque, mais elle n’eut pas le temps de lui poser de question à ce sujet, car ils arrivèrent dans la grande salle du poste, une vaste pièce remplie d’un amas de bureaux poussés les uns contre les autres, tous occupés par divers inspecteurs représentant différentes divisions de la Police de Los Angeles. À l’autre bout de la grande salle, avec les autres inspecteurs de la Section Spéciale Homicide, il y avait Ryan Hernandez.

Pour un homme qui avait reçu deux coups de couteau de la part du père de Jessie seulement deux mois auparavant (ces temps-ci, elle avait l’impression que tous les blessés de sa connaissance l’avaient été par son père), Hernandez avait l’air de bien se porter.

Son avant-bras gauche n’était même plus bandé. Son autre blessure avait été au côté gauche de l’abdomen. Cependant, comme il était debout et qu’il riait, Jessie supposa que cette blessure ne pouvait pas le faire souffrir tant que ça.

Quand Decker l’emmena le retrouver, elle se rendit compte qu’elle était vexée qu’Hernandez soit en train de plaisanter et cela la préoccupa. Elle aurait dû être heureuse qu’il ne soit pas en dépression après avoir vu s’effondrer son couple et avoir frôlé la mort. Cependant, s’il se portait si bien, pourquoi ne l’avait-il contactée que deux fois et pour la forme au cours des deux derniers mois ?

Elle avait fait beaucoup plus d’efforts pour prendre de ses nouvelles et n’avait obtenu de réponse que rarement. Elle avait supposé que c’était parce qu’il avait du mal à se remettre et lui avait laissé le temps. Cependant, vu l’air décontracté qu’il avait maintenant, tout semblait aller admirablement bien.

— C’est un plaisir de voir que la Section Spéciale Homicide est en une telle forme ce beau matin, beugla Decker.

Par son attitude, il fit sursauter les cinq hommes et la seule femme qui composaient la division en question. Quant à l’inspecteur Alan Trembley, qui avait l’air aussi désemparé que d’habitude, il laissa même tomber son bagel.

La Section Spéciale Homicide était une division qui traitait les affaires à profil élevé, qui étaient souvent suivies de près par les médias, notamment des quantités d’homicides à plusieurs victimes et avec des tueurs en série. C’était une division prestigieuse et Hernandez était considéré comme étant le meilleur des meilleurs.

— Regardez qui revient, dit avec enthousiasme l’inspecteur Callum Reid. Je ne savais pas que tu revenais aujourd’hui. Ça fait enfin un peu de classe dans cette boîte.

— Tu sais, dit Jessie en décidant de suivre l’ambiance du groupe, tu pourrais avoir de la classe toi aussi, Reid, si tu arrêtais de péter toutes les dix secondes. Ce n’est pas si dur.

Tout le monde éclata de rire.

— C’est drôle parce que c’est vrai, dit joyeusement Trembley.

Ses mèches blondes non coiffées bondissaient quand il riait. Il releva ses lunettes, qui lui glissaient tout le temps sur le nez.

— Comment te sens-tu, Jessie ? dit Hernandez quand le bruit se calma.

— Je me débrouille, répondit-elle en essayant de ne pas avoir l’air froide. Toi, on dirait que tu te remets bien.

— Ça vient, dit-il. J’ai encore quelques douleurs. Cependant, comme je le dis tout le temps au capitaine ici présent, s’ils me laissaient repartir sur le terrain, je pourrais vraiment faire la différence. J’en ai assez de rester en touche toute la journée, monsieur l’arbitre.

— J’entends ça tout le temps, Hernandez, dit Decker d’un ton bougon, visiblement lassé par les métaphores d’équipe de sport. Hunt, je vais vous donner quelques minutes pour vous réhabituer. Après, nous examinerons vos cas. J’ai un tas de dossiers d’homicides non résolus qui auraient besoin d’un regard neuf. La perspective d’une profileuse fera peut-être avancer les choses. Vous autres, dans cinq minutes, vous viendrez me dire où vous en êtes de vos affaires dans mon bureau. On dirait que vous avez le temps de le faire.

Il se dirigea vers son bureau en grommelant tout seul. Les autres membres de l’équipe récupérèrent leurs dossiers et Hernandez se laissa tomber sur une chaise en face de Jessie.

— Tu n’as rien à signaler au chef ? demanda-t-elle.

— Je n’ai pas encore d’affaires personnelles. Pour l’instant, j’assiste ces gens-là sur tout. Maintenant que tu es revenue, nous allons peut-être pouvoir demander à l’arbitre Decker de nous envoyer sur le terrain. À nous deux, on fait presque une personne entièrement saine.

— Je suis contente que tu sois de si bonne humeur, dit Jessie en essayant désespérément de se retenir d’en dire plus mais sans succès. J’aurais aimé que tu me dises que tu te portais bien plus tôt que ça. Si je ne t’ai pas rappelé, c’est parce que j’ai supposé que tu avais des problèmes.

Le sourire d’Hernandez disparut quand il comprit ce qu’elle disait. Il sembla prendre le temps de préparer sa réponse. En l’attendant et malgré son mécontentement, Jessie ne put s’empêcher d’admettre que ce gars s’était très bien remis d’une blessure grave et d’un divorce.

Il avait l’air de bien se porter. Pas un seul de ses cheveux noirs courts n’était à la mauvaise place. Ses yeux marron étaient clairs et attentifs et, d’une façon ou d’une autre, malgré ses blessures, il avait réussi à rester en forme. Même s’il avait peut-être perdu deux kilos sur ses quatre-vingt-dix kilos habituels, il mesurait encore un mètre quatre-vingt-deux et sa perte de poids devait être due à quelques difficultés pour manger suite à l’ouverture de son estomac par le couteau de son agresseur. Cependant, à trente-et-un ans, il avait encore l’apparence tonifiée d’un homme qui faisait souvent de la musculation.

— Ouais, ce n’est pas faux, commença-t-il à dire en revenant brusquement au moment présent. J’aurais voulu t’appeler, mais il y a eu des problèmes et je ne savais pas comment en parler.

— Quelle sorte de problèmes ? demanda-t-elle nerveusement.

Elle n’aimait pas la tournure que prenait la conversation.

Hernandez baissa les yeux comme pour chercher comment aborder un sujet visiblement sensible. Au bout de cinq secondes complètes de réflexion, il releva les yeux vers Jessie. Juste au moment où il ouvrait la bouche, Decker jaillit de son bureau.

— On a une fusillade par un gang à Westlake North, cria-t-il. La scène est encore active. On a déjà quatre morts et un nombre inconnu de blessés. J’ai besoin que le SWAT, la SSH et les spécialistes anti-gang se mettent en route maintenant. Tout le monde sur le pont !