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La maison d’à côté

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La maison d’à côté
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La maison d’à côté
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Wird gelesen Nicole Forup
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« Et si elle savait ce qui était réellement arrivé à ma mère ? » demanda Chloé. « Il se pourrait qu’elle ait des réponses à tout ce qui s’est passé… »

Greene eut un mouvement de surprise quand son téléphone vibra à l’intérieur de sa poche. Il le sortit et lut le message qu’il venait de recevoir.

« Peut-être bien que c’est le cas, » dit Greene. « On peut chercher par nous-mêmes si tu veux. Le mandat de perquisition de sa maison vient juste d’être approuvé. »

Chloé regarda la femme à l’air inoffensif qui se trouvait de l’autre côté du miroir. Elle se rappelait à peine cette femme dans son enfance, mais elle se rappelait clairement être assise devant sa télévision avec Danielle.

Est-ce que Ruthanne gardait déjà des secrets à ce moment-là ?

Chloé eut un petit sourire en se dirigeant vers la porte. Greene remercia rapidement Peterson pour ses efforts, puis la suivit. Chloé n’en était pas sûre mais elle avait l’impression qu’il était aussi impatient qu’elle d’en avoir le cœur net.

CHAPITRE TRENTE-QUATRE

Ils gravirent les marches qui menaient au porche d’entrée de Ruthanne au moment où la nuit commençait à tomber et où il ne restait plus qu’une bande rougeâtre brillant à l’horizon. Chloé regarda Greene crocheter de manière experte la serrure de la porte d’entrée. Il lui fallut moins de vingt secondes avant qu’ils n’entrent dans la maison de Ruthanne.

L’endroit était méticuleusement propre et une odeur de citron et de vanille flottait dans l’air. C’était l’une des plus petites maisons de la rue mais l’intérieur était assez joli. La porte d’entrée ouvrait sur un petit vestibule avec de hauts plafonds. Sur leur droite, se trouvait la cuisine, et sur leur gauche, le salon.

Chloé resta à côté de Greene, ne sachant pas encore vraiment ce qu’ils cherchaient. Si elle connaissait la vérité concernant maman, à quoi ressemblerait-elle ? Si c’est autre chose qu’une connaissance directe des fait, qu’est-ce que ça pourrait bien être ?

« Est-ce qu’il y a quoi que ce soit que ta mère aurait pu donner à cette femme quand elles étaient amies ? » demanda Greene.

« Non, en réalité je me souviens à peine d’elle. »

« Alors, sur base de ce qu’on sait et de ce qu’on espère, qu’est-ce qu’on devrait chercher à ton avis ? »

« Si on veut des réponses immédiates, je ne sais pas, » dit-elle. « Si on trouve un ordinateur, on devrait le prendre. Peut-être qu’on y trouverait des documents ou des reçus ou… je ne sais pas. Quelque chose. Ou peut-être qu’on pourrait accéder à ses emails. Son téléphone serait la meilleure option, mais elle l’avait sur elle au commissariat. »

« Je vais te laisser dix minutes pour passer les lieux en revue, » dit Greene. Sur ces mots, il sortit son téléphone et fit défiler ses contacts. « Pendant ce temps, je vais appeler Peterson et voir ce qu’ils peuvent faire pour obtenir son téléphone. Mais à ce stade, il faudrait qu’on puisse l’accuser de quelque chose. Mais ça va être difficile. »

Chloé apprécia à nouveau la manière dont Greene lui accordait toute liberté pour apprendre sans aucune entrave. Mais en même temps, elle était très consciente de chaque pas qu’elle faisait dans la maison de Ruthanne en commençant ses recherches. Elle scruta le salon et vit un ordinateur posé sur le bord d’une petite table basse. Elle se dit que ça valait la peine d’essayer, alors elle l’alluma mais elle se retrouva face à un écran lui demandant un mot de passe. Chloé fronça les sourcils, laissa l’ordinateur et continua d’explorer le salon.

Elle arriva dans un petit couloir où elle trouva une armoire à manteaux, une toilette et un escalier qui montait à l’étage. Les escaliers la menèrent dans un autre couloir. Celui-ci donnait sur une salle de bains et deux chambres à coucher. La première chambre à coucher était plutôt petite et remplie de caisses. Chloé jeta un coup d’œil aux caisses et se demanda si Ruthanne n’avait pas envisagé récemment de quitter Pinecrest. Il y avait des livres, une cafetière, des paquets de papier toilette, de tampons, de cotons tiges et autres articles de toilette. Il y avait également plusieurs caisses de vêtements qui avaient été empaquetés.

Chloé quitta cette pièce de rangement improvisée et entra dans l’autre chambre à coucher. C’était la chambre principale et elle était d’une propreté impeccable, comme le reste de la maison. Un lit de grande taille se trouvait au centre de la pièce, contre le mur du fond. Dans le coin droit, il y avait un petit bureau, où étaient posés un iPad et quelques livres. Sur le côté, il y avait un petit cube d’organisation, le genre qui permettait de trier le courrier, le papier, la correspondance, ou autres.

Chloé trouva exactement le même genre d’enveloppes avec la petite fermeture dorée qui avaient été utilisées pour les lettres déposées chez Danielle. Elle y jeta un coup d’œil, en se demandant si elle avait écrit les lettres à l’avance. Mais elle ne trouva que des pages blanches.

Une petite armoire de classement se trouvait en-dessous du bureau. C’était le genre de meuble qui était plus destiné à décorer qu’à servir à quelque chose. Il était en osier, avec des poignées en bronze. Il ne faisait pas plus de soixante centimètres de haut et rentrait parfaitement dans l’espace en-dessous du bureau. Chloé se mit à genoux et ouvrit l’un des deux tiroirs. Il y avait quelques photos éparpillées, certaines montrant Ruthanne avec un homme qui devait probablement être un de ses maris. À en juger par les habits, les photos ne devaient pas avoir plus de dix ans.

Au fond du tiroir, elle trouva un vieil album photo, le genre collector qui ne contenait qu’une ou deux photos par page.

Elle l’ouvrit et faillit le laisser tomber de surprise.

Il y avait une photo de ses parents à la première page. Sa mère souriait tandis que son père l’embrassait sur la joue. En tremblant, Chloé tourna la page. Cette fois-ci, la photo était uniquement de son père. Il regardait sur le côté, en suivant du regard une petite fille…

C’est soit moi, soit Danielle, pensa-t-elle. Elle avait vu assez de photos de leur enfance pour reconnaître leurs cheveux blonds bouclés.

« Bon sang, à quoi ça rime ? » dit-elle.

Elle continua à tourner les pages et vit trois autres photos de sa famille. Sa mère n’était que sur l’une d’entre elles. Le point central des photos était indubitablement son père.

Elle tourna une autre page et elle eut l’impression d’avancer dans le temps. Elle vit à nouveau son père, mais il était plus âgé. Ses cheveux étaient gris et ses yeux avaient l’air fatigués. Cette photo avait l’air d’être un selfie. Il y avait un mur en béton derrière lui, craquelé et fissuré, probablement l’intérieur d’une cellule ou d’une salle de prison.

Il doit avoir au moins quarante ans sur cette photo, pensa Chloé. Oh mon dieu… c’est une photo récente. Peut-être même très récente.

Il y avait deux autres photos plus récentes de son père. Elles étaient plus bouleversantes les unes que les autres. Elle ne voulait pas l’admettre mais elle avait vraiment envie de pleurer. Bien sûr, elle et Danielle avaient pris la décision de prétendre tout simplement qu’il n’existait plus – mais c’était une décision qu’elles avaient prise après qu’il ait commencé à les ignorer. Et en se rendant compte qu’il envoyait des photos de lui à quelqu’un qu’elles connaissaient à peine… c’était révoltant.

Elle arriva au bout de l’album et elle s’empressa d’ouvrir le tiroir du bas. La seule chose qu’elle y trouva, ce fut une vieille boîte à souvenir en carton. Elle était ornée d’une petite serrure décorative pour la maintenir fermée. Elle brisa la serrure dans son empressement pour ouvrir la boîte.

À l’intérieur, elle trouva plusieurs feuilles de papier pliées. Et sur ces feuilles, était posé un téléphone. C’était un iPhone vieux modèle. Elle l’alluma et attendit que le logo d’Apple apparaisse.

En attendant, elle prit l’une des feuilles de papier au hasard. Elle la déplia et vit qu’il s’agissait d’une lettre d’une demi-page, rédigée d’une écriture serrée. Elle jeta à peine un coup d’œil à la lettre en elle-même et ses yeux allèrent tout de suite à la signature.

Un petit cri de douleur lui monta dans la gorge quand elle vit le nom de son père.

***

« Agent Greene ! »

Elle l’appela en se fichant que sa voix soit remplie d’émotion et qu’elle soit sur le point de pleurer.

« J’arrive ! » dit-il. Il lui répondit d’un air préoccupé et se dépêcha de gravir les marches pour la rejoindre à l’étage.

En l’attendant, elle regarda une autre de ces lettres. À vue d’œil, il devait y en avoir une vingtaine au total. Elle scruta cette lettre un peu plus attentivement avant d’en arriver à nouveau au nom de son père. Certains des mots qu’elle vit incluaient : ne l’ai jamais aimée, âme sœur, tout pour toi, être à nouveau ensemble ou amour le plus profond.

Elle avait envie de déchirer ces lettres et c’était peut-être ce qu’elle aurait fait si Greene n’était pas arrivé dans la chambre à ce moment-là.

« Qu’est-ce qu’il se passe ? » demanda-t-il, la main tendue vers son arme. Elle supposa que le ton de sa voix avait dû être plutôt alarmant.

« Elle avait une liaison avec lui. Tout est là… dans ces lettres. Je ne sais pas à quand ça remonte mais certains de ces papiers ont l’air de dater. Et puis, il y a ça, » dit-elle, en faisant glisser l’album photo dans sa direction. « Il contient des photos de notre famille et… et des photos récentes de mon père. »

« Et ça ? » demanda Greene, en prenant le vieil iPhone en main.

« Je ne sais pas encore. »

 

Le téléphone était maintenant allumé et Greene commença à y jeter un coup d’œil. Il consulta les photos mais la galerie était vide. Il vérifia les messages mais n’en trouva pas un seul. Mais quand il consulta l’historique d’appels, il toucha le jackpot. Il montra l’écran à Chloé. Elle vit six appels, tous passés au même numéro.

« Tu reconnais ce numéro ? » demanda Greene.

« Non, mais les appels ont tous été passés le même jour… mardi de cette semaine. »

« Le jour où Martin Shields a été tué, » dit Greene, en terminant sa phrase pour elle.

Sans dire un mot de plus, Greene sortit son téléphone et passa un coup de fil. Chloé écouta la conversation à moitié, tout en prenant une autre lettre en main. Cette fois-ci, elle en lut chaque mot.

Ruthie,

Ça m’a vraiment fait plaisir de te voir la semaine dernière, même si c’était à travers une vitre sale. Tu ne peux pas imaginer ce que ça signifie pour moi que tu continues à faire toute cette route pour venir me voir. Mais n’oublie pas… plus qu’un an ou deux, et ce sera fini. Plus de longs trajets. Je serai tout le temps avec toi.

Je pense à toi tout le temps. Ça rallonge mes nuits mais ce n’est pas grave. Tu es la seule raison pour laquelle j’ai envie de sortir d’ici. Deux ans… deux misérables années. Tu pourras m’attendre tout ce temps, n’est-ce pas ? Je l’espère…

Écris-moi quand tu peux. Et si ce n’est pas trop demander, est-ce que tu pourrais m’envoyer une autre de tes photos « spéciales » ? Peut-être avec de la dentelle noire cette fois-ci ?

Tendrement,

Aiden

Il y avait trop d’informations à traiter dans cette lettre. Et pour commencer… deux ans. Quoi, dans deux ans ? Elle se doutait de ce qu’il voulait dire mais… comment ?

Greene avait raccroché. Chloé avait compris qu’il avait appelé quelqu’un au FBI pour identifier le propriétaire du numéro qu’ils avaient trouvé sur le téléphone clandestin.

« Tu as trouvé quelque chose ? » demanda-t-il.

Elle hocha la tête et lui tendit la lettre qu’elle venait de lire. « Est-ce que tu pourrais passer un coup de fil pour savoir quelle est la situation de mon père ? Ça fait longtemps que je ne m’en suis plus préoccupée… J’étais convaincue qu’il allait pourrir en prison. Est-ce que c’était naïf de ma part ? »

« Je ne connais pas assez l’enquête pour le dire, » dit Greene, en survolant la lettre des yeux. « Mon dieu, Chloé… c’est brutal. Je suis désolé que tu découvres tout ça de cette manière. »

« Pas moi, » dit-elle, en le pensant. En revanche, elle ne voyait pas très bien comment annoncer à Danielle tout ce qu’elle avait découvert au cours de la journée.

Quand le téléphone de Greene se mit à sonner, ils furent tous les deux surpris. Il regarda l’écran et dit, « Ils doivent déjà avoir identifié le numéro. »

Il décrocha et Chloé attendit patiemment, en entendant seulement la conversation du côté de Greene.

« C’était rapide… oui. » Il y eut un silence, puis Greene ajouta très lentement : « Est-ce que vous pouvez répéter ?... Oui, OK. Merci. »

Il raccrocha et regarda Chloé d’un air grave. « Prends les lettres et tout ce que tu as trouvé. On les emmène en tant que pièces à conviction. Toute cette histoire vient juste de lui exploser au visage. »

« Pourquoi ? » demanda Chloé. « Greene… à qui appartenait le numéro qui se trouvait sur le téléphone ? »

Il sourit, comme s’il avait du mal à croire à leur chance. « Ruthanne Carwile a utilisé ce vieux téléphone pour appeler Alan Short. »

Il lui fallut une seconde pour replacer le nom. Alan Short – l’homme dont le sang avait été retrouvé sous les ongles de Martin.

« Mon dieu, » dit-elle.

« C’est assez pour l’accuser de complot, » dit Greene. « Et si on pousse un peu plus loin, c’est probablement assez pour libérer ta sœur. »

Danielle, pensa Chloé, à nouveau malade à l’idée de devoir lui répéter toutes ces informations.

Mais elle devait d’abord s’occuper de Ruthanne. Et pour dire vrai, Chloé avait hâte de voir quelle tête elle allait faire quand ils allaient lui mettre toutes ces lettres et ces photos sous le nez.

CHAPITRE TRENTE-CINQ

Plus tôt dans la journée, Chloé avait trouvé que Ruthanne avait l’air d’un chien apeuré dans la salle d’interrogatoire. Mais maintenant, alors qu’elle était à nouveau obligée de regarder les événements se dérouler depuis l’autre côté du miroir, c’était Chloé qui se sentait tel un chien. Mais plutôt comme un chien enragé, enchaîné à un piquet et qui avait vraiment envie de planter ses crocs dans la gorge du lapin qui gambadait au bord du jardin.

Son envie était d’autant plus intense qu’elle se trouvait seule dans la petite salle d’observation. Greene avait rejoint Peterson dans la salle d’interrogatoire. Les deux hommes se trouvaient de l’autre côté de la table et faisaient face à Ruthanne. Greene tenait une enveloppe en papier kraft sous le bras. Ruthanne l’avait remarquée et ne parvenait pas à en détacher ses yeux.

Cette fois-ci, Peterson ne perdit pas son temps en civilités. Il se pencha sur la table pour se rapprocher de Ruthanne de manière significative.

« Je vais vous le demander pour la dernière fois… et je veux que vous réfléchissiez bien avant de répondre, » dit-il. « Au cours de ces vingt dernières années, avez-vous été impliquée dans une relation avec Aiden Fine ? »

Ruthanne fut incapable de répondre. Ses lèvres tremblaient et elle continuait de fixer l’enveloppe des yeux. Chloé était convaincue que Ruthanne savait ce qu’ils avaient trouvé. Lentement, elle hocha la tête.

Greene ouvrit l’enveloppe et en sortit le contenu. Il étala les lettres sur la table. Il sortit même le petit album photo et le plaça devant elle.

« Toutes ces lettres sont adressées à une femme du nom de Ruthie, » dit Greene. « J’imagine que c’est un surnom pour Ruthanne. Vous confirmez ? »

Ruthanne secoua de nouveau la tête. « Ce sont des lettres qui m’ont été écrites. »

« Ça fait combien de temps que vous êtes en contact avec lui ? » demanda Greene.

« Environ dix ans, » dit Ruthanne. Elle se tut un instant pour éviter de s’effondrer émotionnellement. Elle finit par regarder de nouveau Greene et Peterson. Maintenant qu’ils savaient tout, elle avait presque l’air soulagée. Elle s’enfonça sur sa chaise et les regarda d’un air fatigué.

« Et concernant votre liaison ? Ça faisait combien de temps que vous vous voyiez ? »

« Environ huit mois avant… »

« Avant quoi ? » demanda Peterson. « Avant que Gale Fine soit assassinée ? »

« Oui, » dit Ruthanne.

« OK, nous savons maintenant que vous aviez une liaison avec Aiden Fine, » dit Peterson. « Est-ce qu’il y a autre chose que vous voudriez confesser ? »

Ruthanne réfléchit un instant – en se demandant visiblement ce que les hommes en face d’elle pouvaient bien savoir. Finalement, elle décida de rester silencieuse.

« Nous prenons note de votre silence, » dit Peterson, visiblement agacé. « Je vais vous poser une autre question toute simple : avez-vous été impliquée d’une manière ou d’une autre dans la mort de Gale Fine il y a dix-sept ans ? »

« Non. »

« En êtes-vous sûre ? Peut-être que vous commenciez à avoir des sentiments pour Aiden… peut-être que vous vouliez une liaison plus sérieuse et vous débarrasser de Gale était le meilleur moyen d’y parvenir. »

Dans la salle d’observation, Chloé se mit à frémir en entendant ces questions. C’était bien la preuve qu’elle n’avait rien à faire dans cette salle d’interrogatoire. Elle était contente que Greene ait tenu bon à ce sujet et ait insisté pour qu’elle ne soit pas présente.

« Non, non ! » dit Ruthanne. Mais même à travers le miroir, Chloé vit qu’elle était sur le point de craquer.

Apparemment, Greene le remarqua également. Il utilisa une tactique hautement efficace et commença à poser des questions sur un autre sujet… pour l’instant.

« OK, on a encore un autre élément à votre sujet. Connaissez-vous un homme du nom d’Alan Short ? »

Cette question eut l’air de vraiment la secouer. Son visage devint livide pendant un instant. Elle avait à nouveau dévoilé son jeu. Elle pouvait le nier tant qu’elle le voulait mais la réaction qu’elle avait eue leur donnait la véritable réponse.

« Non. »

« Vous avez eu l’air consternée quand l’agent Greene a mentionné ce nom, » lui dit Peterson. Puis il se tourna en direction de Greene et ajouta : « Est-ce que vous pouvez lui montrer le dernier élément de votre dossier, agent Greene ? »

Greene mit la main dans l’enveloppe mais avant qu’il n’ait eu le temps de la ressortir, Ruthanne se mit à nouveau à parler.

« Oui, je le connais. Nous sommes sortis ensemble pendant un temps et il… »

Elle arrêta de parler, en ne sachant pas vraiment comment continuer. Ce qui était en elle sur le point de craquer n’était plus qu’à quelques secondes d’exploser littéralement.

« Il quoi ? » demanda Greene. « Est-ce qu’il connaissait Martin Shields ? Et vous, est-ce que vous connaissiez Martin Shields ? Je veux dire, avant la fête de quartier. Je vous demande ça parce que le sang d’Alan Short a été retrouvé sous les ongles de Martin. Vous faites le calcul, madame Carwile. À vous de voir et… »

Un son guttural sortit de la gorge de Ruthanne. Et quand elle se mit à nouveau à parler, c’était un mélange de pleurs et de cris. Elle se leva si rapidement de sa chaise que la main de Peterson se tendit instantanément vers l’arme qu’il avait à la ceinture.

« Il fallait que je me débarrasse d’elle ! Et la faire arrêter pour meurtre était un bon moyen de le faire ! »

« Se débarrasser de qui ? » demanda Peterson.

Avant même qu’elle ne réponde, Chloé comprit où ça allait mener. Elle commença à remettre mentalement en place chaque détail de l’affaire et il lui fallut toute la volonté du monde pour ne pas faire irruption dans la salle d’interrogatoire et arracher les yeux de Ruthanne Carwile.

« Danielle ! Quand il reviendrait, elle ne pouvait pas être là. Alors il fallait que je me débarrasse d’elle… »

« Quand il reviendrait ? » demanda Peterson. « Je ne vous suis pas. »

« Quand Aiden sortirait de prison. Il va demander la liberté conditionnelle dans deux ans. Je voulais que tout soit prêt quand il sortirait. C’est comme ça qu’il le voulait aussi. Nous l’avions planifié comme ça, vous savez ? Qu’il n’y ait rien qui lui rappelle son ancienne vie… y compris Danielle. Quand elle a commencé à poser des questions sur le passé de sa mère… et appeler la bibliothèque… j’ai été parano. J’ai commencé à lui envoyer des lettres, pour essayer de l’effrayer. »

« Avez-vous engagé Alan Short pour tuer Martin Shields ? » demanda Greene.

« Non, il s’est porté volontaire. J’ai dû un peu le persuader vers la fin mais il était content de le faire. »

« Mon dieu, » murmura Peterson. « Alors vous me dites que l’homme avec lequel vous sortez actuellement a tué Martin Shields, c’est bien ça ? »

Ruthanne ouvrit la bouche mais seul un gémissement en sortit. Elle s’enfonça plus profondément dans sa chaise et hocha la tête. « Oui. Et Martin l’a griffé à la joue quand ils se sont battus. »

« Où se trouve actuellement Alan Short ? » demanda Peterson, en sortant son téléphone.

Mais une constatation traversa soudain l’esprit de Peterson – la même constatation que venait de faire Chloé. Il s’approcha à nouveau de la table. Pour l’instant, il n’avait plus l’air préoccupé de savoir où se trouvait Alan Short.

« Il y a dix-sept ans… vous aviez une liaison avec Aiden Fine. C’est vous qui l’avez tuée, n’est-ce pas ? Vous avez tué Gale Fine. Vous l’avez poussée dans les escaliers. Et maintenant, dix-sept ans plus tard, vous ne pouviez pas vous résoudre à tuer à nouveau. Alors vous avez essayé d’éloigner Danielle avec des lettres de menace. Et quand ça n’a pas marché, vous avez trouvé un imbécile pour faire le sale boulot pour vous… »

Ruthanne prit un air pitoyable quand elle entendit ces mots. En la voyant dans un état aussi misérable, comme si c’était elle la victime, Chloé fut envahie de rage. Elle ne pouvait plus rester là à écouter. En larmes, elle sortit de la pièce d’observation. Elle se précipita vers la salle d’interrogatoire et ouvrit la porte toute grande. Elle se rua vers Ruthanne mais fut interrompue par Greene.

« Réfléchis à ce que tu fais, » dit Greene.

 

Chloé l’entendit à peine.

« Avoue, » dit Chloé, d’une voix étonnamment calme. « Dis-nous ce que tu as fait. Avoue, espèce de tarée ! »

Ruthanne regarda Chloé dans les yeux. En y voyant une sincère tristesse, Chloé eut envie de vomir. « Tu étais allée au cinéma avec une amie et Danielle jouait au football dans le parc avec d’autres enfants. Ta mère était au travail. Il m’a demandé de venir. Ta mère est rentrée plus tôt que prévu parce qu’elle avait mal à la tête. Une de ces migraines qu’elle avait tout le temps. Elle nous a surpris et on s’est disputé. Je l’ai poussée dans les escaliers… et encore aujourd’hui, je ne sais pas si j’avais l’intention de… »

Chloé essaya de se défaire de la main de Greene mais il la maintint en place. Contrôle-toi, pensa Chloé. Contrôle-toi ou tu n’auras pas l’occasion de voir comment tout ça se termine…

« On a décidé de dire que c’était lui le responsable, que ça avait été un accident. Un homicide involontaire, pour m’épargner la prison. Mais il fut reconnu coupable d’un homicide au second degré – une plus longue condamnation. Mais il m’a toujours promis que quand tout serait terminé, il reviendrait, qu’on serait ensemble. Il m’a écrit des lettres depuis la prison… tu n’en as vu que quelques-unes, » dit-elle, en frappant la table de la main.

Chloé essaya à nouveau de se défaire de l’emprise de Greene et elle dut se mordre la lèvre pour éviter de hurler. Greene la repoussa gentiment et regarda Peterson.

« C’est un aveu de culpabilité, » dit-il. « Est-ce que tu peux continuer à t’en occuper ? »

« Oui, » dit Peterson, en ayant l’air encore un peu sous le choc.

Greene accompagna Chloé dans le couloir et ils entrèrent rapidement dans la salle d’observation, avant que quelqu’un ne puisse voir l’état dans lequel elle se trouvait. Elle essuya ses larmes et fit de son mieux pour reprendre le contrôle de ses émotions. À travers le miroir, elle entendit Peterson lire ses droits à Ruthanne.

« Désolée, » dit Chloé. « Mon dieu, je suis désolée. Je ne pouvais pas continuer à rester ici et… »

« Ce n’est pas grave, » dit Greene. « C’est aussi un peu ma faute pour t’avoir laissé t’occuper de cette affaire d’aussi près. Mais j’ai besoin que tu me répondes – est-ce que ça va aller ? Est-ce que tu peux terminer cette affaire avec moi ? »

« La terminer ? »

« Oui, » dit Greene. « Si tu te sens la force, je pense que ce serait bien que tu viennes avec nous et que tu sois là quand nous arrêterons Alan Short pour le meurtre de Martin Shields. »

Cette idée l’obligea à se concentrer à nouveau. Elle se rappela qu’on ne lui avait pas demandé de faire partie de cette enquête en raison de son historique et de ses liens personnels avec l’affaire. Même après la confession bouleversante qu’elle venait d’entendre de la bouche de Ruthanne Carwile, il y avait encore une enquête à clôturer.

« Oui, » dit-elle, en le pensant vraiment. « Ça va aller. Quand est-ce qu’on y va ? »

« Dès qu’elle nous aura dit où on peut le trouver, » dit Greene, en pointant du doigt vers le miroir.

Ils écoutèrent Peterson finir de lire ses droits à cette femme qui, dix-sept ans plus tard, avait fini par confesser le meurtre de la mère de Chloé.