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La maison d’à côté

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La maison d’à côté
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La maison d’à côté
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Wird gelesen Nicole Forup
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CHAPITRE VINGT-HUIT

Au fur et à mesure que l’après-midi avançait, deux choses se produisirent. Tout d’abord, Chloé et Danielle réussirent à regarder trois épisodes de House of Cards. Ensuite, les équipes de journalistes commencèrent à se disperser devant chez elle. Lorsque la nuit tomba, ils étaient pareils à ces maudits insectes, qui s’envolaient à la recherche de la prochaine source de lumière.

Elles éteignirent la télévision vers vingt et une heures. Chloé fouilla dans quelques-unes des caisses qui n’avaient pas encore été déballées et trouva une brosse à dent et un pyjama pour Danielle. Elle refusa le pyjama, préférant porter l’un des débardeurs noirs de sport de Chloé. Elle s’endormit vers 21h45, en s’effondrant sur un matelas posé au sol dans la chambre d’amis. Il n’avait pas encore été placé dans son cadre, qui était toujours démonté et appuyé contre le mur. Chloé se rendit compte que, maintenant que Steven était parti, il était possible que cette maison ne soit jamais entièrement meublée. Elle n’était pas sûre d’avoir les moyens de la garder.

Chloé était trop préoccupée pour penser à dormir. Elle savoura un verre de vin toute seule, assise à la table de la salle à manger. Elle envisagea de consulter à nouveau les dossiers de l’enquête mais elle se dit que ça n’en valait probablement pas la peine. Jusqu’à ce qu’Alan Short soit arrêté, il n’y aurait probablement pas de nouveautés dans l’enquête.

Quand elle eut terminé son verre de vin, elle réalisa qu’elles avaient fini par boire toute une bouteille. Elle n’était pas saoule mais elle avait un peu la tête qui tournait. Elle finirait peut-être par parvenir à s’endormir finalement.

Elle fit le tour de la maison pour faire les gestes routiniers, qui n’avaient finalement pas encore eu le temps de devenir une vraie routine, vu qu’ils n’avaient emménagé que depuis une semaine. La routine consistait à verrouiller les portes – celle de devant, celle de derrière et celle sur le côté qui s’ouvrait sur le patio. En raison de la présence des équipes de journalistes devant chez elle (il n’y en avait plus que deux maintenant), elle se fit également un devoir de fermer toutes les persiennes.

Elle entra dans la cuisine et se dirigea vers la porte arrière qui menait au porche. Elle tendit la main pour attraper le cordon et fermer les persiennes mais elle s’arrêta avant de le prendre en main.

Il y avait quelque chose sur le porche. C’était un panier de pique-nique.

Elle réfléchit un instant, en se demandant si elle devrait aller le chercher. C’était peut-être une sorte de gage de paix de la part d’un journaliste qui avait changé d’avis ? Ou peut-être que ça venait de l’un des policiers qui avait monté la garde toute la journée ?

Non, pensa-t-elle. Les policiers nous auraient prévenues s’ils nous avaient amené quelque chose. Et un journaliste ne prendrait pas le risque de traverser le jardin alors que la police était garée devant chez elle.

Alors qu’est-ce qu’il pouvait bien y avoir dans ce panier ? Et qui l’avait amené ?

En dépit de son bon sens, Chloé ouvrit rapidement la porte arrière. Elle saisit le panier, regarda rapidement autour d’elle pour s’assurer qu’il n’y avait personne qui l’attendait pour lui tendre une embuscade sur le porche, puis se dépêcha à rentrer. Elle verrouilla les portes, ferma les persiennes, et posa le panier de pique-nique sur le plan de travail.

Inutile d’attendre ou d’essayer de m’en dissuader, pensa-t-elle.

En retenant son souffle, elle ouvrit le couvercle du panier.

Il y avait une douzaine de cookies à l’intérieur. Des cookies aux pépites de chocolat. D’après l’aspect et l’odeur, ils avaient l’air d’avoir été préparés récemment.

Sa première réaction fut de croire que quelqu’un essayait de les empoisonner. Mais c’était une idée stupide et plutôt fantaisiste. Elle fixa les cookies des yeux pendant un moment comme s’il s’agissait d’une devinette. C’est alors qu’elle vit le coin d’un morceau de papier dépasser du papier sulfurisé qui contenait les cookies.

Elle prit le coin du papier entre ses doigts et tira. Ce n’était pas vraiment du papier. C’était une enveloppe. Une enveloppe avec un collant doré, exactement comme celles qui avaient été déposées à l’appartement de Danielle.

Elle l’ouvrit lentement, comme si le contenu de l’enveloppe pouvait réellement lui causer du tort. Elle veilla à n’en toucher que les coins et le rabat. Bien sûr, il n’y avait rien d’autre qu’une note à l’intérieur. Elle en disait long, en dépit de son côté succinct.

CE N’EST PAS TERMINÉ.

Elle fixa la lettre et l’enveloppe des yeux. Elle les avait intentionnellement prises par les coins. Elle savait qu’aucune empreinte n’avait été retrouvée sur les autres lettres, mais elle voulait tout de même vérifier sur celle-ci. Elle alla dans sa chambre et sortit son kit d’analyse – celui qu’elle avait utilisé au laboratoire au cours de ses premières années à l’académie.

Elle mit rapidement en place un petit poste de travail dans sa cuisine pour relever les empreintes. Comme elle s’y attendait, il n’y en avait aucune. Elle fit de même avec le panier et le papier sulfurisé qui contenait les cookies. Mais elle ne trouva rien.

Elle resta debout à regarder cette livraison inattendue. Elle envisagea de réveiller Danielle mais elle se ravisa. Avec tout ce qu’elle avait traversé ces derniers jours, c’était la dernière chose qu’elle avait besoin de savoir.

CE N’EST PAS TERMINÉ.

Ça, c’est sûr, pensa Chloé. Quelqu’un était parvenu à se faufiler dans son jardin et à laisser ce panier sur son porche. Quelqu’un s’était introduit sur sa propriété, s’était approché à moins de deux mètres de sa porte arrière pendant l’une des périodes les plus stressantes de sa vie pour venir la narguer avec cette note.

Non, pensa-t-elle, avec une certaine colère. C’est clair que c’est loin d’être terminé.

CHAPITRE VINGT-NEUF

Même après quelques heures de sommeil, Chloé décida de ne pas parler à Danielle du panier de cookies et de la lettre. Elle jeta le panier et les cookies dans la poubelle dehors avant d’aller dormir et ne garda que la lettre. Elle la relut à nouveau quand elle se réveilla à six heures du matin le lendemain, avant de la ranger dans le tiroir de sa table de chevet.

Quand elle sortit de sa chambre pour aller faire le café, elle ne fut pas du tout surprise de se rendre compte que Danielle dormait toujours. Pendant que le café passait, Chloé jeta un coup d’œil dans la chambre d’amis et vit sa sœur qui ronflait légèrement. Tant mieux, pensa Chloé. Il faut qu’elle se repose après tout ce qu’elle vient de traverser.

Chloé avala un léger petit-déjeuner – un bol de céréales et une banane – avant de s’habiller pour la journée. Elle pensait qu’elle serait plus enthousiaste à l’idée de rencontrer Clarence Simmons mais elle se rendit compte qu’en fait, elle était plutôt terrifiée.

C’est parce que tu fouilles dans le passé, se dit-elle. Ce n’est pas vraiment différent de déterrer un cercueil… Elle s’imagina sur la tombe de sa mère, une pelle à la main, et les larmes lui vinrent presque aux yeux.

Elle se prépara un thermos de café et saisit un post-it, où elle gribouilla une note pour Danielle : Je suis partie voir Simmons. Je t’appelle quand je suis sur la route du retour. Fais comme chez toi et NE SORS PAS DE LA MAISON.

Elle sortit de chez elle et se dirigea vers sa voiture. Il n’y avait plus qu’une seule camionnette de journalistes et personne n’en sortit pour se précipiter dans sa direction. Elle vit également une voiture de police garée à côté de la camionnette. Le policier la regarda entrer dans sa voiture et lui fit un petit signe de la tête. Chloé le salua en retour, contente de voir que le cirque médiatique s’était calmé. Bien qu’au fond d’elle, elle ait malgré tout le sentiment que cette histoire était loin d’être terminée.

***

Elle fit le trajet de Pinecrest, dans le Maryland, à Trenton, dans le New Jersey, en un peu plus de deux heures, en roulant vite la plupart du temps. Elle se garda devant la maison des Simmons à 9h42. Elle n’avait pas appelé pour prévenir de sa visite car elle ne voulait pas lui donner l’occasion de refuser de lui parler. Elle espérait juste qu’il serait chez lui et qu’il profitait de sa retraite pour rester à la maison plutôt que de voyager.

Elle fut rassurée quand elle vit la porte du garage ouverte. Un homme légèrement en surpoids s’affairait à l’intérieur. Il tenait un tournevis dans la main gauche et examinait un four à microondes qui était posé sur une table en bois.

Chloé s’approcha doucement mais sans chercher à être trop discrète, pour ne pas le faire sursauter. Quand elle se rendit compte qu’il ne l’avait toujours pas entendu approcher alors qu’elle se trouvait à quelques mètres, elle l’avertit de sa présence.

« Monsieur Simmons ? »

Il se retourna pour lui faire face et elle eut l’impression d’être projetée dans le passé. Ce visage bienveillant qui était resté avec elle et Danielle ce matin-là était toujours pareil. Sa barbe était maintenant plus grise et il s’était rasé la tête à un moment. Mais c’était indéniablement lui.

« C’est moi, » dit-il. « Mais qui le demande ? »

« Je doute que vous vous rappeliez de moi, » dit-elle. « Mais nous nous sommes brièvement rencontrés il y a environ dix-sept ans. Je m’appelle Chloé Fine. »

Il eut l’air vraiment surpris, mais elle vit l’ombre d’un sourire se dessiner au coin de ses lèvres. Il était tellement étonné que ses doigts laissèrent tomber le tournevis qui heurta le sol avec fracas.

 

« Oui, je me rappelle, » dit-il. « Mon dieu, ça fait vraiment dix-sept ans ? »

« Oui, » dit-elle. « Je me demandais si vous auriez un peu de temps pour parler avec moi. »

Simmons avait toujours l’air aussi surpris mais il hocha la tête. « Oui, bien sûr. Je suis seulement occupé avec ce microondes. Il m’a lâché alors que je faisais chauffer quelques saucisses ce matin. » Il se gratta la tête et se baissa pour ramasser le tournevis. « J’imagine que c’est au sujet de ce qui est arrivé à vos parents ? »

« Oui, » dit-elle. « Et au risque de vous mettre un petit peu plus la pression, » dit-elle, en sortant son badge de sa poche, « je suis actuellement stagiaire au FBI. Sur le point de devenir agent. »

Il hocha la tête comme s’il comprenait parfaitement. « Beaucoup de personnes qui vivent le genre d’expérience que vous avez vécue finissent par choisir ce genre de boulot. Mon père a été abattu, puis pendu à un réverbère en Caroline du Nord quand j’avais sept ans. À l’âge de douze ans, je savais que je serais policier. »

« Alors, » dit-elle, ne sachant pas exactement comment prendre ce dernier commentaire. « Pinecrest ne vous attirait pas plus que ça après la retraite ? »

« Non. Ma femme est décédée il y a dix ans et le reste de ma famille vit ici, dans le New Jersey. Deux fils et cinq petits-enfants. »

« Une jolie petite famille, » dit-elle.

« Oui, en effet, » dit-il. « Enfin… que puis-je faire pour vous, mademoiselle Fine ? »

« Est-ce que vous vous rappelez bien l’affaire concernant mes parents ? »

« Assez bien, j’imagine. Je me rappelle que votre père était plutôt apathique quand nous l’avons arrêté. Il n’a pas discuté et il ne s’est pas opposé. Il est venu de son plein gré. On aurait dit qu’il avait accepté ce qu’il avait fait et qu’il avait envie de passer le plus rapidement possible à autre chose. »

« Alors vous n’avez aucun doute que ce soit lui le coupable ? »

Simmons ne répondit pas tout de suite. Il tapota avec le tournevis sur le côté du microondes en réfléchissant.

« Je n’ai jamais dit qu’il n’y avait aucun doute, » dit-il. « Mais d’après ce que je me rappelle, il était clair qu’il était coupable. Je suis désolé si ce n’est pas ce que vous aviez envie d’entendre mais c’est comme ça que je m’en rappelle. Maintenant que vous êtes plus âgée, il y a également d’autres aspects de cette affaire qui pourraient vous intéresser… des détails dont on ne vous a pas parlés en tant qu’enfant. Vous voulez les entendre ? »

« Oui, » dit-elle, bien qu’elle ne soit pas vraiment sûre que ce soit le cas.

« Eh bien, il avait bu quand on l’a arrêté. Il n’était pas complètement saoul mais il en avait descendu quelques-unes. Et n’oubliez pas qu’il était encore tôt. Je ne me rappelle pas exactement l’heure mais c’était bien avant le déjeuner. À part vous et votre sœur, il n’y avait personne d’autre et finalement, il avait un mobile. »

« Un mobile ? » demanda Chloé, sur un ton presque offusqué. « Quel genre de mobile ? »

Simmons eut l’air mal à l’aise et il mit le tournevis de côté. La conversation l’avait visiblement distrait. Lui aussi, il devait fouiller dans son passé et Chloé savait très bien combien cela pouvait être désagréable.

« Quand nous avons vérifié ses potentiels alibis – sur lesquels il n’a pas du tout insisté, d’ailleurs – nous avons découvert qu’il était possible qu’il couche avec d’autres femmes. On n’avait pas de preuve solide mais ça semblait évident. Quand on lui a posé la question, il n’a pas nié mais il n’a jamais non plus mentionné de noms. »

« Est-ce que vous aviez des noms ? Des femmes que vous étiez sûrs qu’il voyait ? »

« Je ne me rappelle pas. Je suis sûr que si vous ressortez les dossiers, vous pourriez y trouver des noms. Mais bonne chance pour mettre la main dessus. Dix-sept plus tard… pour une affaire qui n’était qu’une simple formalité dès le début… »

« Alors l’hypothèse, c’était qu’il avait tué ma mère pour pouvoir être avec l’une de ces autres femmes ? »

« Je pense bien, oui. »

« Et vous êtes certain qu’il était coupable ? » lui demanda-t-elle à nouveau.

« Lorsque j’étais assis sur ce porche avec vous deux, je voulais vraiment qu’il soit innocent. Jusqu’à ce qu’il admette en gros avoir fréquenté d’autres femmes, je l’ai vraiment espéré. Mais… je suis désolé, mademoiselle Fine. Toutes les preuves étaient contre lui. »

« Est-ce qu’on s’est posé la question de savoir s’il n’y avait pas quelqu’un d’autre avec lui quand c’est arrivé ? »

« S’il avait agi seul ? Oui, j’en suis assez sûr. Enfin… sur base de ce que je me rappelle. Ça fait tout de même dix-sept ans. Excusez-moi de vous poser cette question, mais est-ce qu’il y a une raison pour laquelle vous vous posez toutes ces questions aussi longtemps après les faits ? »

Chloé fut légèrement surprise. « Vous n’avez pas vu les actualités ces derniers jours ? »

« Non, » dit Simmons. « Je ne pense pas avoir regardé une seule minute d’actualités depuis la fusillade à Sandy Hook. Ni pour les élections, ni même pour les résultats du Lotto. »

Chloé envisagea de lui raconter les derniers événements mais elle n’en voyait pas non plus l’intérêt. Comme tous ceux qui connaissaient un peu l’affaire sur son père, Simmons pensait qu’il était coupable. Et elle doutait qu’il change d’avis dix-sept ans plus tard, à moins de lui présenter de solides preuves – et elle n’en avait pas.

« Eh bien, je vous remercie pour le temps que vous m’avez consacré, » dit Chloé. Elle était un peu frustrée que ces deux heures de trajet débouchent sur une conversation qui avait duré moins d’un quart d’heure.

« Si je comprends bien, je ne vous ai pas dit ce que vous espériez entendre ? »

« En fait, je ne sais pas ce que j’espérais entendre, » admit Chloé.

Il lui sourit et montra la maison du doigt. « Pourquoi vous ne rentrez pas prendre un verre de thé ou de limonade ? On pourrait revoir l’affaire en détails… peut-être qu’on pourrait trouver un moyen d’obtenir le nom de ces femmes qui avaient connu votre père. »

Elle faillit accepter son offre. Puis elle pensa à Danielle, toute seule chez elle, avec ces équipes de journalistes devant la maison.

« Merci pour l’invitation mais il faut vraiment que j’y aille. »

Simmons hocha la tête, comme s’il s’y attendait. « Eh bien, j’espère que vous trouverez ce que vous cherchez. »

Vous comme moi, pensa-t-elle, en se dirigeant vers sa voiture.

Elle avait l’impression d’être un peu un enfant gâté, mais se faire entendre dire que son père trompait sa mère décédée n’était pas vraiment comment elle avait envisagé de passer la matinée. Et avec cette idée en tête, elle rentra vers Pinecrest avec plus de questions que de réponses.

CHAPITRE TRENTE

Chloé était à mi-chemin quand elle reçut un appel de Greene. Elle s’inquiéta que cela puisse être au sujet de Danielle – qu’elle se soit rebellée et qu’elle ait quitté la maison, ou peut-être même qu’elle ait essayé de quitter la ville. Ou peut-être que l’enquête sur Alan Short n’avait mené nulle part et que tous les indices pointaient à nouveau en direction de Danielle.

Elle décrocha avant que toutes ces spéculations ne prennent le dessus. « De bonnes nouvelles ? » demanda-t-elle, sur un ton plein d’espoir.

« Ça dépend comment on voit les choses, » dit Greene. « La police de Pinecrest s’est rendue au domicile d’Alan Short. Il n’était pas là. Apparemment, ça fait deux jours qu’il n’est plus venu travailler. »

« C’est plutôt une mauvaise nouvelle, alors, » dit Chloé. « Il cherche à s’enfuir. »

« C’est vrai. Mais ça peut également être vu comme un signe de culpabilité – le signe qu’il ait besoin de se tenir à l’écart. Et toi, comment ça a été ? Tu as parlé avec ton policier à la retraite ? » Chloé avait informé Greene de ce qu’elle allait faire avant de prendre la route ce matin.

« Oui, mais je ne pense pas que ça m’ait beaucoup appris. À part le fait que ça m’ait permis de tourner la page par rapport à ce qui s’était passé ce matin-là. Simmons a l’air absolument convaincu que mon père était coupable. Apparemment, il avait des liaisons avec d’autres femmes en ville. »

« Au moins, tu as essayé… »

« Oui, en effet. Merci pour la mise à jour. Est-ce qu’il y a quoi que ce soit que je puisse faire ? »

« Tu peux retourner auprès de ta sœur aussi vite que possible. Une fois que les médias sauront que nous sommes à la recherche d’un autre suspect, les journalistes reviendront à la charge pour interroger Danielle et savoir ce que ça fait d’être libre. Considère ça comme ta première leçon en relations de presse : ils n’arrêteront pas tant que l’enquête n’est pas terminée et revue au moins une centaine de fois. »

« Merci pour le conseil, » dit Chloé.

Bien qu’honnêtement, si quelques journalistes étaient tout ce qu’elle allait devoir affronter avant que cette affaire ne soit terminée, ça ne lui posait pas trop de problèmes.

Puis elle repensa au panier de cookies et à la note.

CE N’EST PAS TERMINÉ.

Et pour une raison qu’elle ne s’expliquait pas, cette fichue note lui paraissait de plus en plus une sorte de sombre prophétie.

***

Quand elle arriva chez elle, Chloé fut soulagée de constater que Danielle n’avait pas bougé. Son côté rebelle semblait ne pas prendre le dessus sur le bon sens et les règles de sécurité les plus fondamentales. Quand elle entra chez elle, Chloé trouva Danielle occupée à consulter internet. L’article qu’elle était occupée à lire expliquait quel genre d’homme était Martin Shields.

« Je n’avais aucune idée que ce connard avait deux arrestations pour conduite en état d’ivresse à son palmarès, » dit Danielle. « Pas étonnant qu’il avait toujours l’air tendu et nerveux quand il se retrouvait derrière le volant. »

« Eh bien apparemment, c’est le jour pour en apprendre davantage sur les gens que nous pensions connaître, » dit Chloé.

« Qu’est-ce que tu veux dire par là ? Qu’est-ce que Simmons t’a appris ? »

« Eh bien, il maintient que papa était coupable. Qu’il a confessé l’avoir tuée. Et que ce n’est pas la seule chose qu’il ait admise. Apparemment il a admis avoir eu au moins une relation avec une autre femme. Il trompait maman avec plusieurs autres femmes pendant leur mariage. »

« C’est n’importe quoi. »

Chloé haussa les épaules d’un air impuissant. « J’aimerais aussi le penser. Mais Simmons avait bien la tête sur les épaules et il avait l’air tellement sûr de lui. »

« Est-ce qu’il n’y aurait pas des rapports et des dossiers là-dessus ? » demanda Danielle.

« Oui, mais il dit que ça demanderait pas mal de recherches. Si on en arrive à ça, je suis prête à le faire. Mais je ne sais pas si c’est vraiment nécessaire. J’ai pensé à quelque chose durant le trajet de retour. Disons que papa trompait bien maman. Dans une ville comme celle-ci, quelqu’un devait sûrement le savoir. Les rumeurs vont vite. Et je pense qu’on devrait commencer par chercher du côté du club de lecture. Il devait bien y avoir quelqu’un qui connaissait bien papa et maman, même si ce n’était que Tammy Wyler. »

« Oh oui, c’est vrai ! Elle n’arrêtait pas de parler de ce fichu club de lecture à la fête de quartier ! Comment est-ce que j’ai pu ne pas y penser ? »

« Moi non plus, je n’y avais plus pensé. La dispute entre Steven et Martin a littéralement éclipsé tout ce qui s’est passé ce jour-là. »

« Qu’est-ce que tu envisages de faire alors ? T’inscrire au club de lecture ? »

« Oui, » dit Chloé, en sortant son téléphone. « Pourquoi pas ? »

Elle tapa Bibliothèque municipale de Pinecrest, puis club de lecture. Elle fut redirigée vers le site de la bibliothèque municipale de Pinecrest. Sur cette page, était indiqué le livre que le club était actuellement occupé à lire (Objets tranchants de Gillian Flynn) et quels étaient les jours où le club se réunissait (les mardis et jeudis à dix-huit heures). Elle y trouva également le numéro de téléphone et l’extension de la personne qui gérait le club de lecture, une femme du nom de Mary Elder.

Elle appuya sur le numéro qui s’affichait à l’écran et passa l’appel. Quelqu’un décrocha à la troisième sonnerie.

« Bibliothèque municipale de Pinecrest, » dit la voix d’une femme.

« Oui, bonjour, » dit Chloé, en faisant de son mieux pour balayer l’anxiété et la fatigue de ces derniers jours. C’était difficile d’avoir l’air enjouée mais elle fit de son mieux. « Je me demandais quelle était la procédure à suivre pour s’inscrire au club de lecture. Est-ce qu’il faut remplir un formulaire ? »

 

« Non, » répondit la voix, sur un ton enjoué. « Il suffit juste de nous indiquer quelles sont vos préférences de lecture. Vous voulez vous joindre à nous ? On se retrouve les mardis et les jeudis, alors si vous voulez, vous pouvez venir ce soir. On a déjà lu environ une centaine de pages du livre en cours, mais ce n’est pas un problème. »

« C’est une bonne idée, je pense que c’est ce que je vais faire, » dit Chloé. « C’est à dix-huit heures, c’est bien ça ? »

« C’est ça. Est-ce que vous pouvez me donner votre nom ? »

Chloé dit son nom, en ayant l’impression de lui jeter une bombe. « Chloé Fine. »

« Ah, OK, » dit Mary Elder, visiblement prise par surprise. « Nous serons heureux de vous accueillir. » Il y avait de la sympathie dans sa voix. Chloé sauta dessus comme un poisson sur un appât.

« Je sais, je sais, » dit-elle. « Ça semble un peu bizarre. Et je ne cherche pas non plus à causer des distractions au club. J’ai juste besoin de m’éloigner un peu de tout ce qui se passe pour l’instant, vous voyez ? Et j’ai entendu dire que ma mère faisait partie d’un club de lecture… peut-être que c’est le même, je ne sais pas. Mais j’ai pensé que ça pourrait m’aider. »

« Oui, bien sûr, » dit Mary Elder. « Je me souviens un peu de votre mère, en fait. Et nous serons ravis que vous veniez. Je préparerai une chaise supplémentaire pour ce soir. »

Chloé sourit. Elle était meilleure actrice qu’elle ne l’aurait imaginé. « Je me réjouis d’avance, » dit-elle.

Chloé raccrocha et vit que Danielle lui souriait. « Dis donc, quelle petite menteuse ! »

« C’est vrai, j’aime beaucoup lire. »

« Moi aussi, » dit Danielle. « Je peux venir avec ? »

« Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Bien que les gros titres commencent à indiquer que tu es probablement innocente, tu connais cette ville. Tu ne serais pas acceptée. »

Danielle soupira et se leva. Elle alla à la cuisine et ouvrit une autre bouteille de vin, sans se soucier qu’il ne soit que deux heures de l’après-midi.

« Eh bien, si je vais devoir rester ici toute seule, il va falloir que tu sortes acheter du vin. »

Elles éclatèrent de rire – et c’était une sensation qui leur était totalement étrangère. Cela semblait un peu déplacé dans cette maison vide devant laquelle s’agitaient des équipes de reporters et des voitures de police. Mais c’était la première fois depuis qu’elle était rentrée à Pinecrest que Chloé eut vraiment l’impression que les choses pourraient finir par s’arranger entre elles.

Mais bien entendu, il fallait d’abord innocenter Danielle.