Kostenlos

Avant qu’il ne tue

Text
Aus der Reihe: Un mystère Mackenzie White #1
Als gelesen kennzeichnen
Avant qu’il ne tue
Avant qu’il ne tue
Kostenloses Hörbuch
Wird gelesen Gabrielle Chiararo
Mehr erfahren
Schriftart:Kleiner AaGrößer Aa

CHAPITRE VINGT-QUATRE

Mackenzie pensait que le tueur n’agirait pas avant la nuit et les autres étaient d’accord avec elle. Ça leur laissait quatre heures de lumière de jour pour se préparer à ce qu’ils espéraient être un coup de filet réussi. Même si quelque chose arrivait avant la tombée de la nuit, il y avait trois voitures de patrouille le long de la route 411, qui étaient là pour surveiller si un véhicule entrait sur le chemin qui menait au site que le tueur avait préparé. Avec l’hélico de la police d’état en route pour leur donner un coup de main, tout était prêt pour une victoire écrasante avant même que le soleil ne se soit couché.

Mackenzie se trouvait dans l’une des voitures banalisées le long de la route 411, soulagée de s’y retrouver toute seule. Nelson avait dû retourner au commissariat pour rencontrer un conseiller de la police d’état et il lui avait permis de rester ici pour garder un oeil sur la scène et le contrôle de l’opération. Sa voiture était garée à deux kilomètres de la route en gravier et elle l’avait en partie dissimulée de la 411 en la garant dans l’entrée de ce qui fut un jour un chemin de raccourci que les fermiers utilisaient pour se rendre d’un champ de maïs à un autre.

Elle était assise là depuis quinze minutes et le seul véhicule qu’elle avait vu était une voiture de police qui quittait le site et rentrait au commissariat. Elle était toujours convaincue que rien ne se passerait avant la nuit et elle savait qu’elle avait un long moment d’attente devant elle. Elle se demandait si Nelson lui avait donné cette tâche pour ne plus l’avoir sur le dos ou si c’était pour lui offrir une position de première ligne au moment où les événements s’enchaîneraient.

Avec un soupir et un autre coup d’oeil au tronçon tranquille de la route 411, Mackenzie prit son téléphone et fixa des yeux la notification de l’appel manqué d’Ellington, lorsqu’il avait appelé une heure et demie plus tôt. Au moment d’appuyer sur la barre de notification, elle s’efforça de ne pas penser aux événements d’hier soir et du fait qu’elle s’était ridiculisée en sa présence. Lorsqu’elle vit son numéro, elle appuya directement dessus avant de changer d’avis.

Il répondit à la troisième sonnerie et lorsqu’il le fit, elle détesta le fait que ce soit si agréable d’entendre sa voix. « Ici Ellington, » dit-il.

« C’est Mackenzie White, » dit-elle. « J’ai vu que vous m’aviez appelée. »

« Oh, salut ! J’ai entendu que vous aviez une piste prometteuse. »

« On dirait bien mais on verra. On a trouvé un autre poteau, préparé et prêt à être utilisé. »

« J’ai entendu. Et toi, tu en penses quoi ? »

« Que c’est bien, » dit-elle.

« Tu as l’air d’avoir des doutes. »

« Ça semble juste être trop beau pour être vrai. J’ai l’impression qu’il manque une pièce du puzzle. »

« Peut-être que c’est le cas, » dit Ellington. « Tu peux te fier à ton instinct. À ta place, je l’écouterais. »

« C’est ce que je fais normalement. »

Un silence gênant se fit sur la ligne et Mackenzie se mit à chercher désespérément un autre sujet de conversation. Il avait déjà entendu parler des avancées de l’enquête, alors c’était inutile d’en rediscuter. C’est vraiment pathétique, Mackenzie, pensa-t-elle.

« Bon, » dit Ellington, en brisant le silence. « J’ai pris la liberté de dresser un profil après avoir entendu parler des liens avec la religion. Il est très probable que nous recherchions une personne venant d’un milieu religieux. Peut-être même un prêtre ou un pasteur, même si l’histoire pointe plutôt en direction d’une éducation dans un foyer religieux strict. Peut-être qu’il est allé dans une école religieuse privée. Je pense également que sa mère était absente de la maison ou qu’elle roulait un peu sa bosse. Il a probablement déjà un peu déconné quand il était enfant, pas de la manière extrême à laquelle nous assistons aujourd’hui mais plutôt des conneries d’enfants. »

« Et tout ça se base sur quoi ? » demanda-t-elle. « Sur des affaires passées ? »

« Oui, majoritairement, » dit-il. « Je ne peux pas m’attribuer le mérite de toutes ces déductions. Mais à dire vrai, c’est une formule qui fonctionne dans environ soixante-dix pour cent des cas. »

« OK, alors si ce site ne marche pas comme prévu, on pourra toujours garder un oeil sur un millier de suspects potentiels. »

« Peut-être pas autant. Sur base de mon profil, je pars également du principe que ce type vient du coin. S’il planifie sa propre ville, comme tu l’as souligné, je dirais qu’il a grandi par là. Et c’est pour cette raison que j’ai passé quelques coups de fil. Il y a une école primaire catholique à cent kilomètres d’Omaha. Il y en a une autre ailleurs dans l’état mais je pense que celle à proximité d’Omaha est une option plus probable. »

« C’est super, » dit Mackenzie.

« Qu’est-ce qui est super ? »

« Juste comme ça, tu as limité les recherches et tu as même obtenu une source potentielle d’informations générales. »

« En fait, tu sais, le I dans FBI signifie investigation. » Il rit à sa propre blague mais vu que Mackenzie n’eut pas l’air de trouver ça marrant, il se tut.

« Merci, Ellington. »

« Pas de soucis. Une dernière chose cependant avant que tu ne raccroches. »

« Quoi ? » demanda-t-elle, nerveuse et espérant qu’il ne parlerait pas des avances gênantes qu’elle lui avait faites la nuit précédente.

« Quand j’ai remis mon rapport à mon directeur, je lui ai dit que tu étais incroyablement douée et que j’avais essayé de t’attirer du côté de la force obscure. »

Elle se sentit flattée.

« Le côté obscur étant le Bureau, j’imagine ? »

« Tout à fait. Enfin, je veux que tu saches qu’il a eu l’air intéressé. Donc si ça te démange un jour de venir voir de notre côté, je peux te donner ses coordonnées. Ça pourrait être une conversation qui en vaut la peine. »

Elle y réfléchit et alors qu’elle avait envie d’en dire davantage, de lui dire combien elle l’appréciait, elle parvint seulement à répondre un simple « Merci ». L’idée seule semblait un trop beau rêve. Ce genre de chose n’avait pas tendance à lui arriver.

« Tout va bien là-bas ? » demanda Ellington.

« Oui, ça va. Il faut que j’y aille par contre. C’est sur le point de commencer et il faut que reste concentrée. »

« Je comprends. Tu n’en feras qu’une bouchée. »

Elle sourit malgré elle. Bien qu’il ait été un modèle trop beau pour être vrai à ses yeux, Ellington démontrait également qu’il était juste aussi ringard et faillible que n’importe qui d’autre.

Elle raccrocha et regarda à nouveau la route 411. Elle commençait à se sentir nerveuse, elle avait l’impression de perdre son temps à rester assise là à attendre. Elle consulta le navigateur web de son téléphone et fit une recherche sur les écoles primaires catholiques du coin. Elle constata qu’Ellington avait vu juste avec ses trouvailles.

Elle sauvegarda l’adresse sur son téléphone, puis chercha le numéro de Nelson. Il répondit à la quatrième sonnerie mais il avait l’air irrité d’avoir été interrompu alors qu’il faisait le lèche-cul avec les types de la police d’état.

« Qu’est-ce qu’il y a, White ? »

« Je voudrais vérifier une piste, monsieur, » dit-elle. « Mais ça veut dire que je devrais quitter la route 411 durant deux ou trois heures. »

« Hors de question, » dit Nelson. « C’est toi qui diriges cette opération, alors tu dois rester dans les parages. C’est ton enquête, White. N’envisage même pas une seconde de la laisser t’échapper. Si on n’a toujours pas attrapé ce type demain, on en reparlera. Si c’est une piste vraiment prometteuse, je peux envoyer quelqu’un d’autre pour y jeter un œil. »

« Non, » dit Mackenzie. « C’est juste une intuition. »

« OK, » dit-il. « Alors tu restes là jusqu’à nouvel ordre. »

Elle n’eut même pas le temps de répondre qu’il avait déjà raccroché.

Sur ce, elle introduisit et enregistra l’adresse de l’école catholique dans son GPS. Puis, elle regarda vers la droite où, un peu plus loin sur la route 411, un poteau esseulé était toujours désert dans un champ de maïs, attendant un sacrifice.

Elle savait qu’elle devait rester là où elle était, qu’elle devait obéir aux ordres et rester assise ici à ne rien faire durant quatre heures.

Mais alors qu’elle restait assise là, une pensée commença à la ronger. Et s’il tuait les victimes avant de les amener ?

Ça voudrait dire qu’il y avait une fille enfermée quelque part et torturée en ce moment précis, une fille qui mourrait pendant que Mackenzie était seulement restée assise là à attendre que son cadavre apparaisse.

Elle ne pouvait pas en supporter l’idée.

Et si cette école catholique, la seule de la région qui collait parfaitement au profil du FBI, pouvait lui donner un nom ? Une identification ?

Ils pourraient attraper le tueur avant qu’il ne l’attrape, elle. Ça pourrait peut-être sauver la prochaine victime avant qu’il ne soit trop tard.

Mackenzie était assise là, à attendre, en bouillonant intérieurement en entendant les cris de la prochaine victime résonner dans sa tête. Chaque minute qui passait était une agonie.

Finalement, elle appuya sur le champignon et partit sur les chapeaux de roue.

Elle afficha Sainte-Croix sur son GPS.

Désobéir à un ordre direct comme celui-là pouvait signifier la fin de sa carrière et de son futur.

Mais elle n’avait pas le choix.

Elle espérait juste qu’elle pourrait faire l’aller-retour avant qu’il ne soit trop tard.

CHAPITRE VINGT-CINQ

Stupide.

 

Le mot ricochait dans sa tête au moment où il passa l’intersection de l’autoroute 32 avec la route 411.

Stupide.

S’il avait encore besoin d’une preuve que Dieu était de son côté, elle était arrivée à point nommé. Il se dirigeait vers le site du quatrième meurtre, ce qui allait devenir sa quatrième ville, quand il vit la voiture de police roulant sur la route 411. Quand il la vit, il continua à rouler sur l’autoroute 32, le coeur battant.

Peut-être que ce n’était qu’une coïncidence. Peut-être qu’il s’agissait seulement d’une patrouille de routine à l’affût d’excès de vitesse.

Ou peut-être qu’ils avaient trouvé le poteau. Il savait qu’ils le recherchaient. Il avait vu les histoires du tueur épouvantail dans les journaux mais il n’avait pas vraiment pris le temps de les lire ni de regarder les extraits à la télé concernant son travail. Il ne faisait pas ça pour recevoir l’attention du public. Il faisait ça pour répandre la colère divine et pour enseigner au monde l’amour, la compassion et la pureté.

Mais bien entendu, la police ne le comprendrait pas. Et s’ils avaient trouvé le site destiné à l’érection de sa quatrième ville, ça pourrait être la fin pour lui. Il ne pourrait pas terminer son œuvre et Dieu ne serait pas content.

Il fallait changer le quatrième site. Peut-être que ça l’aiderait, à long terme. Peut-être que la police serait tellement occupée à essayer de le trouver au quatrième endroit qu’il pourrait terminer son oeuvre ailleurs sans risquer d’être pris.

Il arriva à hauteur d’une supérette sur l’autoroute 32 et il fit demi-tour sur le parking. Il retourna vers l’interesection et la passa sans même jeter un coup d’oeil à la route 411.

Vu que son sacrifice était déjà choisi et prêt, il pouvait encore ériger sa quatrième ville ce soir, comme prévu.

Il continuerait son œuvre ailleurs.

*

Elle ouvrit les yeux et elle ressentit une vive douleur à la tête. Elle hurla mais sa voix était bizarre, comme assourdie. Elle essaya de porter la main à sa bouche mais réalisa qu’elle ne pouvait pas le faire. Elle se rendit compte qu’elle avait un bâillon très serré sur la bouche, lui coupant le bord des lèvres.

Elle cligna des yeux rapidement, en essayant de faire disparaître la douleur de sa tête. Lorsque ses yeux commencèrent à y voir un peu plus clair et qu’elle commença à émerger de sa torpeur, elle se mit à observer où elle se trouvait. Elle était sur un parquet recouvert de poussière. Ses bras étaient liés derrière son dos et ses chevilles étaient attachées ensemble. Elle ne portait plus que ses sous-vêtements.

C’était ce dernier détail qui fit ressurgir les derniers événements dans sa mémoire. Un homme avait surgi de nulle part la nuit dernière alors qu’elle rentrait chez elle. Il était quatre heures du matin et elle avait… Mon dieu, qu’est-ce qu’elle avait fait ?

Mais le soutien-gorge rose vif qu’elle portait ne lui permettait pas d’oublier ce qu’elle avait fait la nuit dernière. Elle avait essayé de se convaincre qu’une escort girl, c’était différent de ce que ces autres femmes faisaient. Elle était plus classe et contrôlait mieux la situation.

Mais au final, elle faisait la même chose que ces autres femmes. Elle était vraiment bien payée (mille cinq cents dollars pour une heure et demie de « travail », c’était loin d’être minable) et finalement elle ne s’était pas sentie aussi mal qu’elle ne l’appréhendait au début.

Puis cet homme était apparu. Il était sorti de l’ombre. Il lui avait seulement dit bonjour puis il avait passé son bras autour du cou. Elle sentit une odeur bizarre durant un instant puis elle avait sombré pendant qu’il lui murmurait à l’oreille des histoires au sujet de sacrifices et d’eaux amères.

Et maintenant, elle était là. Elle portait toujours sa culotte et elle ne ressentait aucune douleur. Elle était certaine qu’elle n’avait pas été violée. Mais elle était tout de même dans un énorme pétrin.

Elle essaya de s’agenouiller mais à chaque fois qu’elle était sur le point d’y arriver, ses chevilles liées la faisaient retomber lourdement sur le sol, épaule la première. Elle resta là, en sanglotant, et essaya de se rappeler quelle fut la dernière chose que l’homme lui dit avant que ce truc qu’il lui avait placé sur la bouche ne la fasse totalement sombrer.

Elle commença lentement à s’en rappeler. Et la démence qui en émanait la fit défaillir. Elle eut envie d’abandonner plutôt que d’essayer de trouver un moyen de s’en sortir.

Ne te tracasse pas, dit-il. Je vais construire une ville pour toi.

CHAPITRE VINGT-SIX

Mackenzie mit un peu plus d’une heure pour arriver à l’école catholique Sainte-Croix, roulant à cent cinquante à l’heure durant tout le trajet. Au moment où elle arriva, les cours étaient terminés pour la journée. Alors qu’elle suivait une réceptionniste jusqu’en haut des escaliers, elle se rendit compte qu’elle était arrivée à une heure idéale pour pouvoir parler au proviseur.

La proviseur était une femme rondelette qui correspondait à tous les stéréotyques que pouvait avoir Mackenzie au sujet des nonnes. Accueillante et chaleureuse de prime abord, la proviseur Ruth-Anne Costello devint plutôt sêche et droit au but une fois que Mackenzie eût pénétré dans son bureau et qu’elle eût pris place en face d’elle.

« Nous avons entendu parler de ce tueur épouvantail » dit la proviseur Costello. « C’est la raison de votre visite ? »

« Oui, » dit Mackenzie. « Comment le saviez-vous ? »

La proviseur Costello fronça les sourcils mais c’était le genre de froncement de sourcils qui contenait plus de colère que de déception. Mackenzie pensa qu’il s’agissait d’un froncement de sourcils qui pouvait être vu à tout moment de la journée sur le visage de la plupart du personnel travaillant dans une école comme celle-ci.

« Et bien, ces pauvres femmes sont attachées à des poteaux en bois et fouettées, n’est-ce pas ? Le symbolisme religieux est indéniable. Et lorsqu’un assassin agit au nom de principes religieux terriblement mal interprétés ou selon une interprétation tordue de la religion, les écoles privées religieuses se retrouvent toujours sous le microscope. »

Mackenzie pouvait seulement hocher de la tête. Elle savait que c’était vrai. Elle l’avait vu à maintes reprises depuis ses premières années d’université où elle avait commencé à diriger sa carrière vers les forces de police. Mais son silence venait aussi du fait que la proviseur Costello avait raison : les nuances religieuses dans les actes du tueur épouvantail étaient évidentes. Mackenzie l’avait senti dès l’instant où ils avaient retrouvé le premier corps. Alors pourquoi les avait-elle ignorées ?

Parce que j’avais peur d’en parler à Nelson et à Porter. Car j’avais peur d’avoir tort et d’être tournée en ridicule, pensa-t-elle.

Mais maintenant elle avait une opportunité de corriger ça et elle était bien decidée à ne pas la laisser paser.

« De fait, » dit Mackenzie, « nous avons un profil très spécifique. J’avais espéré qu’en parlant avec vous, ou peut-être avec quelqu’un qui est ici depuis longtemps, je pourrais peut-être trouver un suspect potentiel. Ou tout au moins quelqu’un qui sache quelque chose concernant les meurtres. »

« Et bien, » dit Costello, « je suis ici depuis trente-cinq ans. J’ai d’abord été conseillère en orientation avant de devenir proviseur, une position que j’occupe depuis près de vingt ans. »

Elle se leva et se dirigea vers la gauche de son bureau où une rangée d’anciennes armoires de classement était alignée le long du mur. « Vous savez, » dit Costello, « vous n’êtes pas le premier détective qui vient faire des recherches de ce côté après qu’un crime à connotation religieuse ait été commis. Vous êtes loin d’être la seule. »

Costello sortit quatre dossiers de l’armoire et les ramena à son bureau. Elle les laissa tomber avec force sur la table pour bien montrer qu’elle était vraiment irritée. Mackenzie tendit la main pour les ramasser mais la main de Costello les pointait déjà du doigt. Sans regarder Mackenzie, Costello se mit à nouveau à parler, en tapotant chaque dossier de son index potelé.

« Celui-ci, » dit-elle, en pointant du doigt le premier dossier, « est Michael Abner. Lorsqu’il était ici au début des années 70, il a agressé une fille dans la cour de récréation et il a été pris en flagrant délit de masturbation dans les toilettes des filles en cinquième primaire. Mais il est mort en 1984. Un terrible accident, je crois. Il n’est dès lors clairement pas un suspect. »

Sur ce, Costello retira le dossier de Michael Abner de son bureau. Puis elle élimina rapidement deux autres dossiers, vu que l’un d’entre eux était mort cinq ans auparavant d’un cancer au poumon et que l’autre avait passé sa vie dans une chaise roulante et n’était évidement pas le genre de personne qui pouvait traîner des poteaux en bois à des scènes de meurtre.

« Ce dernier dossier, » dit Costello, « appartient à Barry Henderson. Alors qu’il était à Sainte-Croix, il s’est retouvé impliqué dans plusieurs bagarres, dont l’une d’entre elles envoya deux garçons aux urgences. Quand il revint après son expulsion, il se mit à envoyer des lettres cochonnes aux professeurs, une activité qui culmina en une tentative de viol du professeur d’expression artistique, tout en chantant l’hymne préféré de sa mère. C’est arrivé en 1990. Mais je regrette de vous informer qu’il ne peut pas non plus être votre suspect. Il est interné au home Westhall pour criminels malades mentaux depuis 12 ans. »

Mackenzie nota mentalement de vérifier cette information, puis elle vit Costello replacer les dossiers dans l’armoire. Quand elle la referma, elle le fit avec force et le claquement retentit dans le bureau comme l’explosion d’une bombe.

« Et ce sont les seuls étudiants que vous avez eus durant ces trente-cinq dernières années qui seraient capables de crimes similaires à ceux commis par le tueur épouvantail ? »

« Il est impossible de le savoir, » dit Costello. « Avec tout le respect que je vous dois, nous ne conservons pas des notes détaillées sur chaque étudiant ayant le potentiel d’un criminel. Cela impliquerait des rapports détaillés sur chaque enfant qui enfreindrait même la plus insignifiante des règles. Les quatre dont je viens juste de vous parler étaient les cas les plus extrêmes et je les ai gardés à portée de main ces dernières années car ça fait gagner pas mal de temps quand la police vient fureter par ici, et tout spécialement quand elle vient en présentant ce qu’elle pense être un profil pertinent. La police cherche toujours à rejeter la faute sur la religion pour des crimes qu’elle ne parvient pas à élucider elle-même. »

« On ne rejette la faute sur rien, ici, » dit Mackenzie.

« Bien sûr que vous le faites, » dit Costello. « Dites-moi, détective. Êtes-vous venue ici seulement pour trouver le nom d’un suspect ou pour savoir quelle sorte de doctrine religieuse les a pervertis à un tel point qu’ils commettent aujourd’hui ces actes horribles ? »

« La manière dont les informations arrivent m’importe peu, » éclata Mackenzie. « Je veux juste savoir qui assassine ces femmes. Le pourquoi est secondaire à ce stade. »

Mackenzie commençait à se sentir stupide d’être venue à Sainte-Croix. À quoi s’était-elle attendue de toutes façons ? Une solution facile et prête à l’emploi ? Un ancient étudiant qui corresponde au profil d’Ellington jusqu’aux moindres détails ?

« Merci pour le temps que vous m’avez consacré, Madame Costello, » dit-elle doucement. Elle se leva et se dirigea vers la porte. Alors qu’elle posait la main sur la poignée, la proviseur Costello l’interrompit.

« Pourquoi pensez-vous que c’est ainsi, détective White ? »

« Quoi ? »

« Pourquoi pensez-vous que les forces de police viennent chercher des réponses du côté de la religion lorsqu’elles ne parviennent pas à résoudre des crimes qui leur semblent liés à la foi ? »

« C’est parce que ça correspond aux profils, dans la plupart des cas, » dit Mackenzie.

« Vraiment ? » demanda Costello. « Ou est-ce parce que les humains ne parviennent pas à accepter le mal pour ce qu’il est ? Et parce que nous ne parvenons pas à l’accepter, il nous faut trouver quelque chose d’assez intangible sur lequel rejeter la faute ? »

Une question lui vint aux lèvres qu’elle fut incapable de garder pour elle et qui sortit du tac au tac.

 

« C’est quoi le mal, madame Costello ? À quoi ressemble le mal ? »

La proviseur Costello sourit. C’était un sourire terrifiant, une expression qui sous-entendait une forme de sombre vision.

« Le mal vous ressemble. Il me ressemble. Nous vivons dans un monde décadent, détective. Le mal est partout. »

La poignée de la porte sous la main de Mackenzie devint soudain glaciale. Elle hocha la tête et s’en alla sans se retourner pour dire aurevoir au proviseur Costello.

Alors qu’elle traversait le labyrinthe de corridors de l’école Sainte-Croix, son téléphone se mit à sonner. Elle le prit en main et vit le nom et le numéro de Nelson s’afficher. Son cœur s’arrêta de battre.

Le tueur, pensa-t-elle. Il est venu alors que j’étais partie et Nelson va me tuer.

Elle répondit à l’appel avec un noeud dans l’estomac. « Bonjour, chef. »

« White, » dit-il. « Où es-tu ? »

« À l’école catholique Sainte-Croix, » dit-elle. « Je fais des vérifications sur le profil dressé par Ellington. »

Nelson resta silencieux durant un instant pendant qu’il réfléchissait à ce qu’elle venait de lui dire. « On parlera plus tard du fait que tu aies désobéi à mon ordre et perdu ton temps à aller là-bas, » dit-il. « Mais là, je veux que tu repasses par le commissariat en rentrant. »

« Et la route 411 ? » demanda-t-elle. « J’aimerais y retourner avant l’heure de pointe. »

« Une autre raison pour laquelle tu n’avais pas besoin de perdre ton temps à faire des vérifications concernant la piste d’Ellington. Reviens tout de suite au commissariat. »

« Tout va bien ? » demanda-t-elle.

Mais Nelson avait déjà raccroché, laissant Mackenzie sans réponse.