Kostenlos

L'Abbé de l'Épée: sa vie, son apostolat, ses travaux, sa lutte et ses succès

Text
0
Kritiken
iOSAndroidWindows Phone
Wohin soll der Link zur App geschickt werden?
Schließen Sie dieses Fenster erst, wenn Sie den Code auf Ihrem Mobilgerät eingegeben haben
Erneut versuchenLink gesendet

Auf Wunsch des Urheberrechtsinhabers steht dieses Buch nicht als Datei zum Download zur Verfügung.

Sie können es jedoch in unseren mobilen Anwendungen (auch ohne Verbindung zum Internet) und online auf der LitRes-Website lesen.

Als gelesen kennzeichnen
Schriftart:Kleiner AaGrößer Aa

XXV

Exhumation des restes mortels de l'abbé de l'Épée par MM. Garay de Monglave, Chapuys-Montlaville et Ferdinand Berthier. – Découverte de fragments de souliers, de rabat, de soutane, de bonnet carré et d'étole, reconnus par une personne qui a eu des rapports avec le grand instituteur. – La pipe de terre. – Oubli ou profanation. – Noms des premiers souscripteurs. – Appel éloquent à toutes les âmes généreuses. – Propositions de MM. Michaut (des Monnoies), Victor Lenoir, architecte, et Auguste Préault, statuaire. – Appel aux ambassadeurs étrangers, aux cours de cassation et des comptes, aux cours d'appel, etc. – Réponse de l'ambassadeur de Bavière.

Le lendemain, jeudi 21 juin 1838, dès huit heures du matin, nous étions réunis tous trois, M. Chapuys-Montlaville, M. de Monglave et moi, à la chapelle St-Nicolas. Le caveau a été rouvert, la terre retournée profondément, et aussitôt des ossements plus nombreux sont venus à la surface avec des débris que les personnes attachées à l'église ont reconnus pour des fragments de souliers, de rabat, de soutane, de bonnet carré et d'étole. Il ne nous paraissait plus douteux qu'un ecclésiastique avait été enseveli à cette place, avec ses vêtements sacerdotaux; mais cet ecclésiastique était-il bien l'abbé de l'Épée? Mlle Courtois, présente à ces fouilles, déclara devant nous, à M. le curé, qu'elle reconnaissait parfaitement ces divers objets pour avoir appartenu au vénérable instituteur, et cita plusieurs circonstances importantes à l'appui de son assertion. Une pipe de terre courte, noire, fut trouvée près du crâne. Un des profanateurs de ces tombeaux l'y avait-il laissé tomber? Ou plutôt faut-il soupçonner ici une hideuse, une sacrilége dérision, qui rappellerait la couronne d'épines du Fils de l'Homme? Nos cœurs en furent profondément émus.

Nous dressâmes procès-verbal des dires de Mlle Courtois. Avant de s'éloigner, cette excellente personne nous exprima le vœu de garder, comme souvenir, un des fragments d'étole trouvés dans le tombeau de son bienfaiteur. Elle fut satisfaite. J'en ai conservé un aussi, et cette précieuse relique ne me quittera jamais.

Le lundi 25 juin, eut lieu la seconde réunion de la commission, sous la présidence de M. Dupin aîné. Déjà les journaux avaient annoncé les premiers résultats de la souscription. Voici les premiers noms inscrits:

D'abord, tous les membres de la commission; puis, MM. Lacave-Laplagne, ministre des finances; de Salvandy, ministre de l'instruction publique; de Chateaubriand, Benjamin Delessert, député; le comte Lepelletier d'Aunay, le comte d'Allonville, A. de Gasparin, le marquis de Maleville, Wustenberg, Daguenet, le maréchal Clauzel, Fulchiron, Salverte, St-Réal, Cerclet, Delespaul, le général Bachelu, Denis Lagarde, etc., etc.

M. Villemain avait été chargé de préparer un projet de prospectus. Il en donna lecture, et ce projet fut approuvé d'une voix unanime, comme tout ce qui sort de la plume de ce brillant écrivain. Immédiatement après, le secrétaire lut une copie de l'acte authentique constatant l'enterrement de l'abbé de l'Épée, et le procès-verbal de la déclaration de Mlle Courtois.

Avant de se séparer, il fut arrêté que la commission reprendrait le cours de ses séances à la prochaine ouverture des Chambres.

Voici l'appel éloquent fait par M. Villemain à toutes les âmes généreuses:

«Parmi les bienfaiteurs de l'humanité, il n'est pas de nom plus connu et plus vénéré que celui de l'abbé de l'Épée. Avant lui, l'art de rendre à la plénitude de la vie morale des êtres intelligents, que la nature semble avoir séparés du commerce de leurs semblables, n'avait été que rarement pratiqué, et n'avait produit çà et là que quelques prodiges accidentels de patience et de tendresse.

«L'abbé de l'Épée, en créant une méthode et en l'appliquant avec étendue, fut le véritable fondateur de cette belle Institution des sourds-muets, qui honore la philanthropie si éclairée de la France, et qui a été imitée dans toute l'Europe et dans le Nouveau-Monde. Sa découverte fut une œuvre constante de vertu, autant qu'une invention utile et ingénieuse. Aussi la France, à l'époque même la plus agitée de sa régénération politique, ne négligea-t-elle rien pour assurer la perpétuité d'une semblable création; mais la mémoire même de l'inventeur ne reçut aucun hommage particulier.

«L'Institution nationale des sourds-muets à Paris est florissante; d'autres maisons de charité, fondées sur le même modèle, ont étendu le même bienfait. La statue de l'abbé de l'Épée n'est nulle part; il y a peu de temps même on ne savait où était sa tombe. Le zèle religieux de quelques-uns de ses enfants, de ceux qui lui doivent leur place dans la société intelligente, est parvenu à découvrir que les restes de cet homme vénérable avaient été déposés dans un des caveaux de l'église St-Roch, à Paris. La date officielle de cette inhumation (24 décembre 1789) et d'autres circonstances authentiques ont fait retrouver les ossements à la place indiquée. De là est venue la pensée de les honorer par un témoignage national du respect profond de la France pour la science, la vertu, la religion, activement consacrées au soulagement des misères humaines.

«Un comité s'est formé dans l'espérance que des offres lui viendraient de toutes parts pour élever aux restes mortels de l'abbé de l'Épée un monument modeste comme sa vie, monument qui serait placé dans l'église même où il avait été enseveli, et où la reconnaissance et le respect publics viendraient chercher son image.»

Le samedi 15 février 1840, la commission s'assembla dans une des salles de l'hôtel de la présidence de la Chambre des députés, salle que M. Sauzet, alors président, avait bien voulu mettre à sa disposition. L'année précédente, outre la multiplicité des travaux de la Chambre, la célèbre affaire de la coalition, qui avait si vivement préoccupé l'attention publique, avait dû être un obstacle à l'activité accoutumée de nos honorables collègues.

Un membre proposa à la commission de s'adjoindre M. Benjamin Delessert en qualité de trésorier. En cas d'acceptation de la part de l'honorable banquier, tous les fonds seraient versés chez lui.

Lecture fut donnée de lettres adressées à la commission par MM. Michaut (des Monnoies), Victor Lenoir, architecte, et Auguste Préault, statuaire.

A la suite de ces diverses lectures, un membre émit le vœu qu'il fût procédé à la nomination d'une sous-commission, chargée d'examiner les plans et projets présentés, et de soumettre à la commission ceux qui lui paraîtraient dignes de son attention.

Cette sous-commission, composée du président, du secrétaire de la commission, de M. Nestor d'Andert et de M. Ferdinand Berthier, prit connaissance des lettres suivantes:

MICHAUT (des Monnoies) à Monsieur le président de la commission du monument à élever à l'abbé de l'Épée.

«MONSIEUR LE PRÉSIDENT,

«Au moment où la commission va se réunir de nouveau, permettez-moi, comme vous avez eu la bonté de m'y encourager, de vous rappeler ma statuette, vue, je puis le dire, avec quelque intérêt par la plupart des membres de cette commission, et le désir que j'aurais (dégagé de toute idée spéculative) d'être chargé du monument à élever à la mémoire de l'abbé de l'Épée.

«Il y a cinq ans environ, Monsieur le président, que je m'occupais d'une statue, de grandeur naturelle, représentant ce bienfaiteur de l'humanité, au moment où il découvrit l'alphabet manuel. M. le comte de Montalivet, alors intendant de la liste civile, voulut bien me faire espérer pour mon œuvre une place au Musée de Versailles; mais il a été décidé, depuis, qu'il n'y aurait pas de statue de l'abbé de l'Épée dans cette galerie historique; qu'il n'y avait place que pour un buste, et ce buste m'a été confié.

«Quant à ma statue, plusieurs juges compétents l'avaient vue; je puis citer MM. le député de Jouvencel, le directeur de l'École des sourds-muets, Léon Cogniet, Paulin Guérin, et quelques autres peintres. Tous avaient eu la bonté d'encourager mes efforts et de me prédire un succès.

«La longue maladie qui m'a enlevé mon père interrompit mon travail; la terre se sécha, le dégoût me prit, et la figure s'en alla en morceaux. Je n'en pus tirer qu'un souvenir, une statuette qu'ont vue plusieurs membres de la commission, et pour laquelle ils ont bien voulu me faire concevoir des espérances.

«Que mon titre de graveur n'effarouche pas mes juges! Le premier, je monte sur la brèche; je ne demande qu'à être examiné et jugé. Bien jeune, j'étudiai la statuaire sous des maîtres habiles, dans les ateliers de Moitte et de Lemot, et déjà j'obtenais des succès, quand la maladie vint me forcer à suspendre un art trop fatigant. Je fis de la gravure avec quelque bonheur, et, dans ce temps, mes succès ne furent attribués par les artistes compétents qu'à mes longues études de sculpteur.

«Je serais aujourd'hui au comble de la satisfaction s'il m'était permis de faire encore de la sculpture, et de reprendre en grand l'exécution d'une statue dont la pensée m'occupe depuis si longtemps.

«L'intérêt n'entre pour rien dans mon projet. Être utile, revenir à une carrière que j'ai eu tort d'abandonner, produire une œuvre digne du bienfaiteur des sourds-muets, digne de la commission qui préside à l'exécution du monument qu'on lui destine, digne de moi-même, Monsieur le président, voilà mon seul but, voilà tout mon espoir d'avenir.

«Vos collègues, comme vous, Monsieur le président, ont daigné nourrir cet espoir; vous ne détruirez point votre œuvre; j'ose en attendre les effets, heureux de me dire avec un profond respect, etc., etc.»

VICTOR LENOIR, architecte du gouvernement, à Messieurs les membres de la commission du monument à élever à l'abbé de l'Épée.

«MONSIEURS,

 

«J'ai l'honneur de vous adresser une esquisse du monument à élever à l'abbé de l'Épée. J'ai désiré arrêter votre attention sur l'idée principale, subordonnant les détails des figures à l'étude spéciale du sculpteur. La tête vénérable de l'abbé de l'Épée sera mieux reconnue dans un simple buste que dans une figure en pied, en raison de la masse, peu favorable à la sculpture des vêtements. On peut s'en rendre compte par la statue de Malesherbes, au Palais de Justice; ce qui doit faire renoncer sans regret à la dépense d'une statue en pied.

«Motif:

«Au pied du buste de l'abbé de l'Épée, un jeune sourd-muet et une jeune sourde-muette tiennent, ouvert à tous, le précieux livre que leur père intellectuel (comme ils l'appellent) leur a laissé. Ils déposent une couronne sur ce livre. J'ai pensé que la reconnaissance des sourds-muets ne saurait jamais s'exprimer d'une manière trop lisible, et qu'il conviendrait peut-être de donner à ces deux enfants le costume connu des élèves de l'Institution.

«La simplicité du motif serait relevée par un piédestal d'une masse assez imposante pour être un symbole de durée. Sur ses faces de marbre blanc, les sourds-muets, habitués à voir des enseignements écrits sur tous les murs de leur Institution, aimeraient à lire les principaux traits de la vie de l'abbé de l'Épée; et les parlants, en réfléchissant à ce qu'un homme seul a osé entreprendre pour les sourds-muets, comprendraient mieux ce qu'il reste à faire pour répartir, entre tous les sourds-muets de France, le bienfait, pour eux, indispensable de l'éducation. Quand l'idée fut conçue d'honorer la mémoire de l'abbé de l'Épée par un monument, je me proposai comme architecte pour le construire. Ma position particulière de frère d'un sourd-muet m'a fait offrir de confondre les honoraires de l'architecte dans la dépense générale.

«Je proposerais de ne pas adosser tout à fait le monument au fond de la chapelle, afin de lui conserver l'effet des ombres plus longues qui seraient favorablement produites par le jour venant des fenêtres en face.

«Je joins ici l'évaluation des dépenses.

«J'ai l'honneur d'être, etc., etc.»

Devis des dépenses du monument de l'abbé de l'Épée

«NOTA. Les honoraires de l'architecte seraient employés à faire les inscriptions.

M. NOVION, entre autres entrepreneurs de marbre, offre d'exécuter le monument, en confiant les figures aux meilleurs sculpteurs, pour le prix de sept mille francs.

«Si les fonds ne permettaient pas d'atteindre cette somme, et qu'il fallût réserver une dépense pour le caveau, on pourrait très-dignement exécuter le buste et les figures en fer coulé. La position abritée du monument ne laisse aucun inconvénient à l'emploi du fer, dont la fusion peut être d'une entière perfection dans les ateliers de M. Calla. Je citerai mon expérience, y ayant fait exécuter le bazar Montesquieu, entièrement construit en fer.

«Vr LENOIR.»

AUGUSTE PRÉAULT, statuaire, à Monsieur Chapuys-Montlaville, secrétaire de la commission du monument à élever à l'abbé de l'Épée.

«MONSIEUR,

«La commission nommée pour élever un monument à la mémoire de l'abbé de l'Épée n'ayant pas de statuaire désigné pour le charger de ce travail, permettez-moi de vous demander votre voix et votre protection pour obtenir cet honneur, qui me serait bien cher.

«Je désire que le monument soit en bronze, en marbre ou en granit. L'objet principal doit être la représentation fidèle de l'abbé de l'Épée, c'est-à-dire la tête, le buste et les mains, tels que les statuaires de l'antiquité les consacraient aux grands penseurs. Je pense qu'il faut éviter la statue en pied, qui entraînerait à des frais inutiles, et se garder de tout ce qui ne serait ni la tête, ni le cœur, ni la mimique des deux mains pour exprimer le travail des deux premières parties; le reste du monument ne doit être que l'accessoire et servir seulement à développer ce que j'expose.

«Je désirerais, en outre, qu'une ou deux personnes fussent désignées pour surveiller les progrès de l'œuvre, et éviter tout ennui à la commission.

«Le statuaire s'engagerait à ne pas s'éloigner de cette donnée, qui est certainement très-vague, mais en dehors de laquelle il ne croit pas qu'il soit possible de présenter un projet plus arrêté, tant que l'artiste ne sera pas définitivement choisi, que l'on n'aura pas désigné la place où doit s'élever le monument, et que l'on ne sera pas renfermé dans un chiffre fixé d'avance pour faire face aux travaux de statuaire, d'architecture, de fonte, etc.

«La souscription resterait ouverte pendant six mois, et l'on commencerait d'abord le buste; la commission aurait toute confiance dans le sculpteur et dans ses deux membres surveillants, pour l'exécution de l'œuvre. Quant à moi, si j'en étais chargé, je m'engagerais à faire tout ce que mon talent et mon honneur me commanderaient.

«Dans cette attente, j'ai bien l'honneur d'être, etc., etc.»

Cette lecture achevée, la commission s'ajourna au samedi 29 février.

Ce jour-là, il fut donné communication de la réponse suivante de M. Benjamin Delessert à l'invitation qui lui avait été adressée par M. Chapuys-Montlaville, au nom de la commission:

«Paris, 17 février 1840.

«MONSIEUR,

«Je reçois la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser le 16 courant, pour m'entretenir de la souscription relative au monument à élever à la mémoire de l'abbé de l'Épée.

Ainsi que je l'ai dit à M. Dupin, je souscrirai volontiers pour une somme de 60 francs; mais il me serait de toute impossibilité de faire partie du comité, ni de remplir les fonctions de trésorier, mes occupations absorbant tout mon temps, et ayant déjà refusé d'être le caissier de plusieurs souscriptions analogues.

Agréez, etc.»

Un membre indique M. Caccia, banquier, pour remplacer M. Benjamin Delessert. Mais il n'est pas donné suite à cette proposition.

M. le secrétaire annonce qu'il a écrit aux ambassadeurs étrangers, à la cour de cassation, à la cour des comptes, aux cours d'appel, et qu'il a reçu la réponse de l'ambassadeur de Bavière, dont voici la teneur:

7 septembre 1839.
LÉGATION DE BAVIÈRE
A Monsieur le secrétaire de la commission pourle monument de l'abbé de l'Épée

«MONSIEUR,

«Je me suis empressé de communiquer à mon gouvernement le contenu de la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser dans les premiers jours du mois de juillet dernier.

«Le roi, mon souverain, digne appréciateur du mérite et des vertus de l'homme célèbre dont toute l'humanité partage les bienfaits, s'est empressé d'autoriser les personnes auxquelles vous confierez cette honorable mission, à recueillir, en Bavière, les dons gratuits destinés à l'érection du monument consacré à la mémoire de l'abbé de l'Épée.

«Je m'empresse, Monsieur, de vous transmettre copie de l'ordonnance royale79, datée du 22 août dernier, qui vient de m'être communiquée à cet effet.

«Recevez, Monsieur, les assurances de ma très-parfaite considération.»

Voici la teneur de la lettre qui avait été adressée, en juin 1839, aux ambassadeurs des cours étrangères:

«Une commission est formée pour recueillir des souscriptions à l'effet d'élever un monument à l'abbé de l'Épée dans l'église Saint-Roch, lieu de sa sépulture.

«Le bienfait de l'abbé de l'Épée est universel. Cet homme de bien n'appartient pas seulement à la France, mais à toutes les nations civilisées.

«Nous sommes convaincus, Monsieur l'ambassadeur, que vos nationaux éprouveront le besoin de s'unir à nous pour accomplir cet acte de piété, et nous venons, pleins de confiance, vous prier de vouloir bien recueillir les souscriptions de vos compatriotes, afin qu'il soit dit que tous ceux qui ont profité du bienfait, ont témoigné ensemble de la reconnaissance qu'ils gardent au bienfaiteur.

«Nous avons l'honneur de vous offrir, Monsieur l'ambassadeur, l'hommage de notre haute considération.

«Le secrétaire,

CHAPUYS-MONTLAVILLE.

Le président de la commission,

DUPIN.»

XXVI

Rapport de M. Nestor d'Andert sur les projets soumis à la commission. – Préférence acquise à celui de M. Préault. – Les ministres invités à compléter la somme nécessaire à l'érection du monument. – Celui de l'Intérieur, M. de Montalivet, souscrit pour 3,000 fr. – Devis à forfait de M. Préault – La commission l'accepte, à condition que l'artiste ne pourra exiger les sommes à recevoir qu'à mesure des rentrées, et que le monument sera prêt en février 1841. – Nouvelle circulaire, nouvelles démarches auprès des grands corps de l'État. – Appel à Louis-Philippe et à sa famille. – On en ignore le résultat. – L'ancien curé de Saint-Roch, devenu évêque d'Évreux, regrette de ne pouvoir prêcher le jour de l'inauguration du monument. – On s'adresse à l'abbé Cœur, qui ne peut, à cause de ses nombreux travaux, accepter cette honorable mission. – Fixation ultérieure du jour de la cérémonie.

M. Nestor d'Andert fait un rapport sur le résultat de l'examen des divers projets de monuments dont la sous-commission a été chargée.

«Messieurs, dit-il, la sous-commission, réunie, le jeudi 27 février, chez son président M. Dupin, s'est occupée attentivement des divers projets de monuments à élever à la mémoire de l'abbé de l'Épée.

«Deux concurrents se sont présentés.

«Quatre dessins ont été soumis.

«Trois portent la signature de M. Lelong, architecte.

«La sous-commission a été frappée du manque absolu d'expression dans les trois premiers projets, qui lui ont paru n'offrir aucun trait caractéristique du génie, des travaux et de la gloire de l'abbé de l'Épée.

«Elle a remarqué surtout que la sculpture, d'où devait jaillir la pensée fondatrice du monument, sa signification prompte, facile, intelligible, était trop sacrifiée à la partie architecturale, toujours destinée, dans de pareils ouvrages, à accompagner plutôt qu'à prévaloir, à subir plutôt qu'à dominer.

«L'architecture est le cadre, la statue est le tableau, vous le savez, Messieurs.

«En outre, elle a paru craindre l'abus trop prolongé de la décoration dans ces trois monuments, une ornementation banale, exagérée, et conséquemment d'un luxe usé, mesquin, plus théâtral que vrai.

«Enfin, la sous-commission a pensé que cette exagération, que cette profusion d'ornements pourraient entraîner, malgré l'autorité des chiffres posés par l'auteur, dans des dépenses considérables et sans compensation avantageuse.

«Il restait à la sous-commission à examiner le quatrième projet présenté par MM. Auguste Préault et Lassus. Et d'abord, la sous-commission a été saisie de l'harmonie élevée et de l'heureuse ordonnance du monument. La réputation et le talent incisif du sculpteur étaient déjà une garantie de la perfection de l'œuvre, tandis que le plan de M. Lelong, pour y revenir dans un rapprochement nécessaire entre des artistes de mérite, n'indique aucunement quel serait le sculpteur chargé du soin des bas-reliefs et rondes bosses.

«Le projet de MM. Auguste Préault et Lassus semble donc réunir toutes les conditions désirables sous le triple rapport de l'expression dans la sculpture, de l'art répandu dans l'ensemble et de l'économie dans les dépenses, ce qui a engagé la sous-commission à désigner ce dernier plan à vos lumières comme étant le plus convenable à tous les titres.»

A l'issue de la séance, on écrivait aux ministres:

«Les restes de l'illustre abbé de l'Épée ont été retrouvés, par les soins et la piété de quelques-uns de ses enfants adoptifs, dans l'un des caveaux de l'église Saint-Roch, lieu de sa sépulture.

«Des preuves authentiques ont été recueillies, et une commission s'est formée spontanément pour honorer la mémoire de ce bienfaiteur de l'humanité, en lui élevant un monument funéraire.

«La souscription, ouverte depuis bientôt deux ans, marche lentement; toutefois, nous avons déjà une certaine somme à notre disposition.

 

«Le ministre de l'intérieur80, un grand nombre de membres des deux Chambres, les diverses écoles de sourds-muets, toutes les personnes, enfin, auxquelles nous nous sommes adressées, ont bien voulu concourir à cette œuvre de gratitude et de respect.

«Deux artistes, MM. Lassus et Préault, ont déclaré ne demander que le remboursement de leurs déboursés, dans le cas où ils seraient chargés du monument. Ils proposent même de le prendre à leurs risques et périls. Ils se contenteraient de 6 à 7,000 francs pour l'exécuter.

«La commission, reconnaissante de leurs offres, est disposée à les accepter. Son but sera ainsi tout à fait rempli. En effet, elle n'a pas prétendu élever un monument somptueux, tout de luxe, à un homme d'une modestie proverbiale. Il aurait formé un contraste trop évident avec son caractère et sa vie.

«Une simple manifestation, un souvenir, acquitteront notre dette.

«Nous évaluons à 3,000 francs environ les sommes qui sont ou seront versées dans la caisse de la souscription.

«Une autre somme de 4,000 francs est donc indispensable pour former le complément de celle qui est demandée pour le monument.

«Nous espérons, Monsieur le ministre, que vous voudrez bien vous associer à notre œuvre, et faire contribuer l'État à cet acte de justice et de gratitude.

«Veuillez agréer, etc.»

La commission s'est réunie le 13 juin 1840.

M. le président annonce à la commission que M. le ministre de l'intérieur souscrit pour une somme de 3,000 francs, ainsi qu'il résulte d'une lettre de M. Cavé, directeur des Beaux-Arts, en date du 9 de ce mois, ainsi conçue:

«Monsieur le président, je m'empresse d'avoir l'honneur de vous informer que M. le ministre de l'intérieur a alloué, selon votre désir, une somme de 3,000 francs pour le monument de l'abbé de l'Épée dans l'église Saint-Roch. Vous recevrez incessamment avis officiel de cette décision.

«Agréez, etc.»

M. Dupin aîné donne ensuite lecture d'un devis fourni par MM. Préault et Lassus. Ce devis81 est suivi d'un engagement formel, pris par M. Préault, d'exécuter à forfait et de livrer, pour le prix de 7,000 francs, le monument dont le modèle en relief et au lavis se trouve sous les yeux de la commission. M. Préault déclare que, dans le cas où le chiffre de la souscription ne s'élèverait pas à 7,000 francs, il n'aurait aucun recours à exercer contre la commission et se contenterait des 3,000 francs du ministre de l'intérieur, et des autres sommes qui résulteraient des diverses souscriptions.

Le plan, le devis et l'engagement de M. Préault demeurent annexés au procès-verbal.

M. le président propose à la commission d'accepter les offres de MM. Lassus et Préault, aux conditions précitées, contenues dans le dossier et dans l'engagement mentionné ci-dessus.

Après en avoir délibéré, la commission arrête que les offres de MM. Préault et Lassus sont acceptées telles qu'elles se trouvent contenues dans leurs devis et leurs déclarations; toutefois, elle prie M. le président de mettre à cette acceptation deux nouvelles conditions: la première, c'est que les paiements ne pourront être demandés qu'aux époques de rentrée des sommes provenant de la souscription; la seconde, c'est que le monument sera entièrement achevé et posé d'ici au mois de février 1841.

MM. le président et le secrétaire de la commission sont autorisés à signer le présent marché avec MM. Lassus et Préault.

En juillet 1841 parut une circulaire du président de la commission, contresignée par le secrétaire, dont voici la teneur:

«MONSIEUR,

«Les restes de l'illustre abbé de l'Épée, le père des pauvres enfants que vous initiez à la vie en pratiquant sa méthode, ont été retrouvés dans l'église de Saint-Roch, à Paris.

«Cette sépulture devait être honorée. Une commission s'est formée, une souscription a été ouverte; le gouvernement français s'est associé à cette œuvre de respect et de gratitude.

«Un artiste, M. Préault, n'a pas voulu attendre que la souscription eût produit tout son effet; il a demandé et obtenu l'entreprise du monument.

«Il l'achève en ce moment, et, cependant, nos fonds sont loin de pouvoir couvrir tous les frais. Nous avons recours à vous, Monsieur, à tous les sourds-muets du pays que vous habitez, à leurs familles, à leurs amis, à tous les amis de l'humanité.

«Nous vous prions d'ouvrir une souscription pour le monument de l'abbé de l'Épée et de vous unir à nous pour honorer la mémoire de cet homme de bien.

«Votre réponse devra être adressée à M. Dupin, procureur général à la Cour de cassation et président de la commission, sous le couvert de M. le président de la Chambre des députés.

«Nous avons l'honneur de vous offrir, Monsieur, l'assurance de nos sentiments distingués.»

Le jeudi 24 février 1842, se réunirent, au domicile de M. Dupin, les membres de la commission, MM. Chapuys-Montlaville, Nestor d'Andert, Monglave, Ferdinand Berthier et Alphonse Lenoir. Le président était si pressé d'expédier les affaires urgentes de la Chambre, qu'à peine avait-il le loisir d'examiner celles du monument. Cependant, M. Chapuys-Montlaville, après avoir donné lecture d'une réclamation de M. Auguste Préault, fut autorisé par le président: 1º à envoyer un garçon de la Chambre des députés, en uniforme, aux ministres, aux pairs de France, aux députés, aux banquiers, à l'archevêque de Paris, etc.; 2º à écrire au roi pour en solliciter une souscription au monument; 3º enfin à supplier l'évêque d'Évreux82 de vouloir bien prêcher dans l'église Saint-Roch le jour de l'inauguration.

On devait fixer ultérieurement l'époque de la cérémonie.

Voici la demande de la commission au roi Louis-Philippe, datée de mars 1842:

«SIRE,

«Nous allons élever un modeste monument à l'abbé de l'Épée dans l'église Saint-Roch, à Paris, à l'endroit où ses restes profanés ont été retrouvés et où il avait été enseveli primitivement.

«Confiants dans les sentiments élevés et généreux de Votre Majesté, nous osons espérer qu'Elle voudra bien contribuer avec nous à rendre un pieux et solennel hommage à l'un des plus grands bienfaiteurs de l'humanité.

«Nous sommes, avec le plus profond respect, etc.»

Nous ignorons encore si le roi Louis-Philippe a souscrit et si sa famille s'est associée à lui dans cette pensée sainte.

Monseigneur l'évêque d'Évreux s'étant excusé sur ses tournées pastorales de ne pouvoir satisfaire au désir de la commission, on s'adressa à M. l'abbé Cœur, alors professeur d'éloquence sacrée à la Sorbonne, qui ne put, à son grand regret, à cause de ses nombreux travaux, accepter cette honorable mission.

79Écrite en allemand.
80M. le comte de Montalivet.
81Voyez à les pièces fournies à l'appui de la proposition de MM. Lassus, architecte, et Auguste Préault, statuaire.
82M. l'abbé Olivier, curé de Saint Roch, venait d'être promu à cette dignité.