Le Grand Ski-Lift

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Il se rendit compte qu’il éprouvait un sentiment de répulsion à l’égard du machiniste, à cause de son indigence sournoise ; quelque chose qui remontait à très loin. Il devait cependant surmonter cet état d’esprit négatif par la « compassion ». Mais c’était impossible à ce moment, le machiniste transmettait des émotions d’un type traditionnel : un mur qu’Oskar essayait d’abattre. Il resta donc silencieux, écoutant les plaintes de l’homme qui avait juste besoin de parler, sans écouter de réponses. Pendant ce temps, le guide s’était endormi devant le feu.

Allongé sur sa couchette, Oskar passa une mauvaise nuit, à cause du froid. On frappa à sa porte aux premières lueurs de l’aube.

— Monsieur Zerbi, courage, habillez-vous ! Nous devons y aller, dit le guide gentiment, mais d’une voix résolue et autoritaire.

Il se leva péniblement, et s’habilla en toute hâte. Il était ému, il se rendait compte qu’il ne s’agissait pas d’une banale randonnée en montagne. Il y avait quelque chose de plus essentiel, qui ne transparaissait pas encore du projet général du promoteur de l’installation. Ils burent tous les deux un café noir, alors qu’on devinait par la fenêtre la lueur enchantée de la lumière de l’aube. Le machiniste leur dit que pendant la nuit, la température était tombée bien en-dessous de zéro ; puis il les accompagna jusqu’à la lourde porte qu’il lui fallut presque ouvrir à coups d’épaule, à cause du gel.

Mario s’était mis une coiffe de fourrure et, pour la première fois, Oskar remarqua qu’il avait les cheveux rassemblés en une queue de cheval. Il semblait différent de l’homme de la vallée que le directeur lui avait envoyé la veille au matin, il ressemblait maintenant à un animal sauvage qui aurait enfin retrouvé sa liberté.

Le guide se mit en chemin d’un pas décidé :

— Ça va, comme allure, Monsieur ?

Puisque l’homme lui avait adressé la parole, Oskar lui demanda :

— Qu’est-ce que tu penses de ce type ?

— Qui, Franz, l’employé de l’installation ? C’est le râleur de service, comme beaucoup au village. Il se plaint tout le temps. J’étais là, le jour où il s’est quasiment mis à genoux devant le maire pour avoir ce boulot. Il avait même dit que plus les endroits où on le mettrait seraient isolés, mieux il s’en trouverait, vu que sa femme est vieille et qu’elle sent mauvais.

— C’est ce que j’imaginais, fit Oskar.

Il pensa que la compassion était tout de même nécessaire à son équilibre spirituel. Une autre forme subtile d’égoïsme ? Évidemment. C’était la patine de protection qu’adoptent les saints et les professionnels du Bien : une espèce de crème solaire.

Dès qu’ils arrivèrent au col, le vent devint violent. Ils franchirent une arête de glace prise entre d’énormes blocs d’une roche blanchâtre. Une fois qu’ils l’eurent franchie, ils descendirent à moindre altitude et le vent ne fut à nouveau plus qu’une brise légère. Le dernier plateau s’étendait devant eux, après quoi ils verraient les tracés des pistes du Grand Ski-lift.

— Mettez vos lunettes, Monsieur, le soleil est très fort, ici. On va suivre le sentier jusqu’à ce rocher sombre, et puis on chaussera les skis pour traverser le replat.

Le rocher qu’il lui avait indiqué était assez loin, mais ils marchaient d’un bon pas. Au début, Oskar sentit sa fatigue, puis il prit un bon rythme, et entra enfin dans un état de bien-être profond dans lequel il aurait pu aller n’importe où. Ses vacances se mettaient peut-être sur une bonne voie. Les choses lui apparaissaient sous un jour étrange, c’était comme s’il s’était échappé d’un jeu de tarot où un sortilège l’aurait retenu prisonnier. Contrairement à ce qui lui était arrivé pendant les années passées en Ville, il se sentait détaché des circonstances : il se trouvait avec un guide en haute montagne, aux confins indéfinis de la Sierra, sans points de repères, sans même une date de retour…

Quand ils arrivèrent au rocher sombre, Mario s’arrêta tout net et fit signe à Oskar de s’accroupir, puis il tira des jumelles de son sac à dos pour mieux voir quelque chose qui bougeait sur la neige.

— Juste un peu de patience, Monsieur.

Il sortit une carabine de précision d’un étui de toile, prit une grosse cartouche verte qu’il enfila dans le canon, et dit, tout en manipulant son fusil :

— Les fédéraux me donnent une récompense pour chaque clandestin que je capture.

Il ajusta son tir à travers la lunette montée sur la carabine et tira un coup près d’un tas de neige blanche, à deux cents yards environ. La neige se teinta d’un vert fluorescent et trois Asiatiques se levèrent, les mains en l’air. Tout à coup, l’un d’entre eux se mit à courir, alors Mario, calmement, tira un autre coup. Le clandestin continua quelques mètres encore, à pas incroyablement lents, avant de tomber dans la neige.

— Il est mort ? demanda Oskar.

— Non, pardieu, je l’ai juste endormi.

Ils arrivèrent près des deux Asiatiques assis dans la neige, les mains sur la tête : ils n’avaient aucune expression hostile, ils souriaient même. Mario les menotta l’un à l’autre et fit déplacer le petit groupe près de l’homme endormi. Les illegales avaient des visages très ronds, presque sphériques, comme des ballons. Leurs yeux, ceux d’une jeune fille en particulier, étaient deux fentes minces au travers des paupières.

Mario tira de son sac à dos une tablette de chocolat qu’il tendit à ceux qui étaient réveillés, qui le remercièrent en inclinant la tête. Puis, devinant ce qu’allait faire le guide, ils remontèrent chacun une manche.

Mario hocha la tête, prit une seringue automatique et fit une piqûre à chacun d’entre eux.

— C’est un tranquillisant, pour qu’ils ne s’enfuient pas, expliqua-t-il.

Avec une petite bonbonne, il gonfla un ballon rouge attaché à un fil qu’il laissa s’élever une vingtaine de mètres en l’air.

— Nous pouvons y aller ! Le satellite aura déjà localisé le signal, ils enverront un hélicoptère les prendre dans quelques heures.

— Mais s’il n’arrive pas avant la nuit ces pauvres gens vont mourir de froid !

— En général, il arrive tout de suite, en deux ou trois heures, disons. Mais même s’il n’arrivait pas, ils s’en sortiront très bien avec leurs sacs. Qu’est-ce que vous croyez, Monsieur, que quand la nuit tombe ils vont dormir à l’hôtel ?

Ils chaussèrent tous deux leurs skis et entreprirent de traverser le dernier plateau.

— Ça doit être des gens très forts, avec un système nerveux de fer, dit Oskar.

— En effet, ils n’ont besoin de manger qu’une fois par jour.

Enfant, il devait lui aussi avoir été aussi fort que les illegales. Il en était sûr.

Ils arrivèrent au bout du plateau vers midi, exactement comme l’avait prévu Mario. Pendant tout le trajet, gagné par l’enthousiasme, Oskar n’avait jamais demandé de pause ; mais il se sentait maintenant fatigué.

— Monsieur Zerbi, je proposerais qu’on mange quelque chose. Après, je vous montrerai la piste damée du Circuit.

— Où est-elle ?

Le guide lui indiqua un relief en bordure de la cuvette : le terrain se relevait exactement comme le bord d’une bassine. Ils s’abritèrent derrière un repli de terrain et Mario prépara du café sur un réchaud à alcool. Le soleil était violent, les yeux d’Oskar avaient rougi malgré les verres foncés de ses lunettes. Ils mangèrent ce que Mario avait emporté, puis celui-ci sortit de son sac deux jambières de fourrure qu’il attacha au bas de son pantalon avec des lacets de cuir.

— Tu rentres au village ?

L’homme secoua la tête en s’écriant :

— Il n’y a rien à faire au village à cette saison ! Je vais chasser vers le nord-est en longeant le Grand Ski-lift.

— Tu vas prendre des illegales ?

— Oui, aussi.

— Tu chasses des animaux à fourrure ? Ils se sont sûrement multipliés au-delà du raisonnable dans la Sierra.

— Bien sûr ! Je chasse aux pièges tout l’hiver, mais ça ne rapporte pas grand-chose.

— Tu as essayé de travailler dans des villes ?

— Je n’aime pas les villes.

Ils se levèrent et contournèrent l’arête à pied. Plus bas, les conifères réapparaissaient, et encore plus bas, au beau milieu de la forêt, une langue blanche de neige courait comme un fleuve gelé. C’était une piste du Grand Ski-lift. Oskar était ému. Le guide lui passa ses jumelles : il vit glisser de nombreux points colorés sur la langue de neige. C’étaient sûrement des skieurs, dans leurs tenues de couleurs vives.

— Eh bien, je suis arrivé ! s’exclama Oskar.

— Monsieur Zerbi, souvenez-vous que vous ne devez pas vous arrêter trop longtemps au même endroit, comme ça… en règle générale.

Oskar avait chaussé ses skis avec grand soin, il allait bientôt être un touriste quelconque dans le circuit du Grand Ski-lift. C’est du moins ce qu’il croyait.

— Gardez toujours votre carte bien en évidence, et quand vous arriverez sur la piste, suivez-la jusqu’à la vallée, puis cherchez un endroit où vous loger. Je vous conseille d’aller au « Petit Cerf » ; d’autres chasseurs m’ont dit que c’était un endroit tranquille.

Oskar retira un de ses gants et tendit la main à son guide, puis lui demanda, l’air sérieux :

 

— Mario, une dernière chose, et je te laisse à ton travail. Tu as aussi accompagné le dernier maire jusqu’ici ? Celui qui a fait construire l’installation…

Mario fit un signe de tête affirmatif.

— Quel genre d’homme c’était ?

— Je ne peux pas vous dire grand-chose, le maire était un gars qui ne parlait pas beaucoup, mais quoi qu’il en soit, il m’a semblé qu’il connaissait bien cette partie de la Sierra.

Oskar descendit entre les arbres et tomba souvent. N’étant plus allé à la montagne depuis des années, il avait perdu toute habitude du ski. Il décida donc de poursuivre à pied, il aurait rechaussé sur la piste, où la neige était damée. C’était pénible de marcher dans la forêt sur l’épaisse couche de neige, il progressait lentement, mais il était sûr de retrouver le tracé tôt ou tard. Tout serait plus facile ensuite.

Il avait marché une heure quand il entendit la rumeur produite par les touristes : le crissement des carres des skis qui mordaient la neige, les voix des personnes qui passaient, quelques cris… Il arriva, épuisé, aux abords de la piste. Il était couvert de neige. Il devait avant tout se reposer sans attirer l’attention ; il craignait en effet que des surveillants ne puissent le remarquer en ce moment critique, l’instant de la transition : l’entrée dans le Grand Ski-lift. Il décida alors d’aller jusqu’au bord de la piste pour donner l’impression de reprendre son souffle après une chute… Il attendit un moment de calme, puis parcourut en courant la distance qui le séparait encore de l’orée de la forêt pour rejoindre le bord de la piste. Dès qu’il atteignit la neige damée, il jeta ses skis, simulant une chute. Quelques skieurs passèrent : ils n’étaient pas nombreux, des groupes de quatre, cinq personnes au maximum. Plus rarement quelques couples. Mais aucun skieur isolé.

Il était donc arrivé sur le circuit du Grand Ski-lift ! Une remarquable preuve de caractère, peut-être le début d’un changement qui était son véritable objectif.

En réalité, il n’avait pas de tableau précis de la situation, et encore moins de stratégie sur le comportement à adopter. Dans l’état actuel des choses, il ne se demandait pas combien de temps ces vacances pouvaient durer, il savait simplement qu’il avait encore de nombreux jours devant lui, il réfléchirait au reste en cours de route. Le froid se fit sentir ; il se leva, rechaussa ses skis pour descendre dans la vallée. Ensuite, il chercherait l’hôtel. La piste était formée par un ravin qui serpentait dans la forêt. De part et d’autre trônaient les montagnes derrière lesquelles le soleil avait depuis peu disparu. La lumière était uniforme, une luminescence diffuse dans laquelle on devinait cependant l’approche de l’obscurité : il en éprouvait de l’inquiétude et de la mélancolie. Il commença à descendre en pensant qu’il s’en sortirait quoi qu’il en soit, il se souvenait avoir été plutôt bon skieur, des années auparavant. En fait, il n’avait jamais atteint un grand niveau technique à cause de certains défauts de position qu’il avait et du manque d’entraînement sérieux. Peut-être avait-il été trop désireux d’atteindre la perfection stylistique. Cette forme d’esprit l’avait sans aucun doute pénalisé, puisqu’elle ne lui avait jamais permis de développer l’harmonie de ses mouvements.

Quelques mètres plus bas, il croisa ses skis et tomba. Il se releva aussitôt, conscient d’avoir oublié les mouvements de base. Il se concentra alors sur la position de départ, et, cherchant à faire porter son poids vers l’aval, il recommença à descendre en diagonale. Il fit un virage en chasse-neige, puis un autre, sans tomber, mais dès qu’il essaya de rapprocher ses skis, il se retrouva à nouveau dans la neige.

La piste était déserte, il était tard. Ce devait être l’heure du coucher du soleil.

Il avait donc oublié comment on skiait. Il déplora cet inconvénient et se demanda ce qu’il avait bien pu faire pendant toutes ces années. De toute évidence, il avait été prisonnier d’un monde dont le ski était exclu. En un instant, il comprit qu’il s’était négligé…

À ce moment-là, le problème contingent était de descendre dans la vallée sans éveiller de soupçons. Alors, patiemment, et avec un brin d’astuce, Oskar profita des parties les plus faciles pour descendre en diagonale, faisant ses virages sans trop d’accrocs. En bas, on apercevait déjà le village, de nombreuses lumières allumées. Au débouché de la piste, il y avait un télésiège. Des machinistes en contrôlaient la mécanique, les installations étaient maintenant à l’arrêt. Le guide lui avait conseillé d’aller au « Petit Cerf », un endroit modeste, pour ne pas se faire remarquer. Oskar se trouvait au centre d’une vaste clairière ouverte dans la forêt à travers laquelle il était descendu, le village s’étendait devant lui. Des skieurs étaient installés dans les bars, il y avait une certaine animation bien que l’endroit ne fût pas bondé.

— Excusez-moi, Monsieur, pourriez-vous m’indiquer l’hôtel « Le Petit Cerf » ? demanda-t-il à un homme qui passait.

— Vous allez voir, c’est simple : vous devez suivre cette petite rue qui monte et puis tourner à gauche près de la petite tour avec l’horloge. Vous ne pourrez pas rater l’enseigne.

Bien, l’hôtel n’était pas loin. Les indications de l’homme étaient précises, il arriva à l’hôtel en quelques minutes. Il laissa ses skis sur un râtelier et entra par une porte qui fit tinter une clochette.

— Bonsoir, vous arrivez tout juste ? Vous devez être fatigué par la traversée -l’accueillit une dame assez grasse, aux cheveux jaunes. De quelle vallée venez-vous ?

Oskar réfléchit un instant, et mentit :

— Des pistes du Nord. Oui, en effet, je suis très fatigué, avez-vous une chambre libre ?

— Bien sûr ! De toute façon, même si nous sommes dans la période de Noël, on trouvera toujours une chambre libre pour un membre permanent du Grand Ski-lift.

La patronne afficha un sourire bienveillant en regardant la carte glissée dans une poche transparente de sa veste matelassée. Oskar comprenait, maintenant, pourquoi elle lui avait demandé de quelle région il arrivait. Au fond, il aurait aussi bien pu arriver par un moyen de transport classique. Mais il avait la carte du Grand Ski-lift, et des skis pour tout bagage. Rien que de très normal, donc, pour un membre permanent.

La chambre qu’on lui donna était très confortable. Il ferma la porte à clef, mangea une tablette de chocolat et se glissa entre les draps. Une clarté hivernale entrait par la fenêtre, une espèce de lumière absolue qui éveillait depuis toujours en lui une grande mélancolie, comme si cela avait été un signe d’immobilité : un cadre inchangé, les mêmes choses pour l’éternité, et un Soi perdu pour toujours dans des mondes parallèles.

Le lendemain, il se réveilla tôt, descendit dans la salle à manger, où une dame prenait son petit déjeuner avec une petite fille. Il n’y avait personne d’autre, la dame le salua, puis, après un bref moment de silence, s’adressa à lui :

— Vous avez vu le beau temps que nous avons pour Noël ? Mes enfants m’ont dit que la neige est merveilleuse. Vous skiez, vous aussi ?

— Oui, bien sûr. Mais cela fait des années que je ne vais pas à la montagne, je pense que je devrais prendre quelques cours.

— Ça fait du bien. Mais ne vous inquiétez pas, mon mari a eu le même problème. Jeune homme, il était même champion en herbe, mais à cause de son travail, il a arrêté de venir à la montagne. Il y a quelques années, il a recommencé à skier avec un moniteur, et il affirme que maintenant, il skie mieux qu’avant.

Oskar ébaucha un sourire forcé :

— C’est toujours la même histoire, pour tout le monde. Quand on est jeune, on a du temps pour soi, mais après, avec le travail…

Il se limita à cette phrase automatique, mais il sentit en un éclair l’odeur d’une atmosphère létale qui se libérait. Cette dame se sentait stable, son centre de gravité était dans la Vie Conventionnelle. Elle n’avait pas de doutes à confesser, elle, c’était un individu sélectionné au cours de millions d’années pour vivre en captivité. Une personne inutile, sans aucun doute, pour quelqu’un qui, comme lui, devait franchir le Mur.

— Je suis heureux d’avoir fait votre connaissance, madame, mais je dois y aller, j’ai un rendez-vous sur les pistes.

Dehors, le soleil extrêmement lumineux surexposait le paysage. De toute façon Oskar ne se trouvait pas dans un endroit qui lui était familier. Le cadre qui s’étalait sous ses yeux lui donnait la sensation que les Autres se trouvaient à leur aise, il voyait en effet une multitude de skieurs qui, par petits groupes, se dirigeait vers les installations. Ils avaient l’air tranquilles, sûrs de ce qu’ils devaient faire. On voyait qu’ils avaient tous un programme.

Quand il arriva à la sortie du village, il remarqua que quelques skieurs isolés se dirigeaient vers une petite vallée : peut-être aurait-il trouvé par là des pistes moins fréquentées. Il ne devait pas oublier qu’il était entré illégalement dans le Grand Ski-lift et qu’il espérait se fondre dans cet environnement. Les skis sur l’épaule, il arriva au fond de la petite vallée où tournait une remontée peu utilisée. Il pourrait montrer sa carte et commencer à s’entraîner sur les pistes damées, sans crainte d’être repéré.

Il passa sa journée à monter et descendre la même piste. Personne ne lui prêtait attention, les employés des remontées étaient distraits, ils discutaient entre eux. Ce fut une journée de ski pénible. Il avait essayé de se rappeler des mouvements de base, mais c’était difficile, il ne se souvenait presque de rien. Quiconque l’aurait vu, haletant, le pantalon trempé de neige, aurait inévitablement pensé qu’Oskar Zerbi était débutant. Au cours de cette première journée, il pensa plusieurs fois qu’il était inutile de rester dans le Grand Ski-lift. Cela n’avait aucun sens. Et il se demanda quel pouvait être le véritable motif pour lequel il s’était aventuré de façon si risquée dans des vacances de ce genre. Voulait-il se retrouver lui-même par le ski ? Une idée incompréhensible, en apparence.

Oskar observait attentivement les autres skieurs pour en reproduire le style, et comprendre éventuellement quelque chose d’essentiel qu’il ne savait pas encore. Pendant sa dernière descente, il vit un skieur expert qui faisait ses virages avec une grande souplesse, et il essaya de l’imiter. Mais il ne put réussir un seul virage sans défauts, comme l’avait en revanche fait le skieur-guide ; il perçut cependant quelque chose, et comprit qu’en restant quelques jours, il pourrait faire des progrès importants.

À l’hôtel, il dîna dans sa chambre, car il avait peur de rencontrer la dame-qui-avait-envie-de-parler. Avant de s’endormir, il pensa que ce qu’il faisait était encore « standard », et que cela n’aurait apporté aucun changement. Malgré tout, quand il aurait retrouvé un peu d’habitude du ski, il se serait peut-être amusé.

Il ne pensa plus à rentrer en Ville. Il n’avait rien à faire là-bas.

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