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La San-Felice, Tome 01

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Le roi et la reine, si mal d'accord d'habitude en toute chose, s'accordèrent cependant à partir de ce moment sur un point, leur haine contre les Français; seulement, la haine du roi était indolente et se fût contentée de les tenir éloignés de lui, tandis que la haine de Caroline était active et qu'à cette haine, à laquelle leur éloignement ne suffisait point, il fallait leur destruction.

Le caractère altier de Caroline avait depuis longtemps courbé sous sa volonté le caractère insoucieux de Ferdinand, qui, ainsi que nous l'avons dit, se révoltait parfois par boutades, quand son bon sens naturel lui indiquait qu'on le faisait dévier du droit chemin; mais, avec du temps, de la patience et de l'obstination, la reine en arrivait toujours au but qu'elle se proposait.

C'est ainsi que, dans l'espoir de prendre part à quelque coalition contre la France, et même de lui faire une guerre personnelle, elle avait, par l'intermédiaire d'Acton, levé et organisé, presque à l'insu de son mari, une armée de 70,000 hommes, construit une flotte de cent bâtiments de toute grandeur, réuni un matériel considérable, et pris toutes les dispositions enfin pour que, du jour au lendemain, sur un ordre du roi, la guerre pût commencer.

Elle avait été plus loin: appréciant l'impuissance des généraux napolitains, qui n'avaient jamais commandé une armée en campagne, comprenant le peu de confiance qu'auraient en eux des soldats qui connaîtraient comme elle leur incapacité, elle avait demandé à son neveu l'empereur d'Autriche, un de ses généraux qui passait pour le premier stratégiste de l'époque, quoiqu'il ne fût encore célèbre que par ses échecs, le baron Mack; l'empereur s'était empressé de le lui accorder, et l'on attendait de moment en moment l'arrivée de cet important personnage, arrivée dont la reine et Acton devaient être seuls prévenus et que le roi ignorait complétement.

Ce fut sur ces entrefaites qu'Acton, se sentant maître de la situation et ne connaissant au monde qu'un seul homme qui pût le renverser et se mettre à sa place, se décida à se débarrasser de cet homme, dont l'éloignement ne lui suffisait plus.

Un jour, on apprit à Naples que le prince Caramanico, vice-roi de Sicile, était malade, le lendemain qu'il était mourant, le surlendemain qu'il était mort.

Dans aucun coeur peut-être cette mort ne causa un ébranlement si terrible que dans celui de Caroline; cet amour, le premier de tous, y avait grandi par l'absence et ne pouvait en être déraciné que par la mort. Pas une des fibres dont il s'était emparé ne fut épargnée dans ce douloureux déchirement, et l'angoisse fut d'autant plus grande, qu'elle dut la cacher aux regards curieux qui l'enveloppaient; elle feignit une indisposition, s'enferma dans la chambre la plus reculée de son appartement, et, là, se roulant sur ses tapis, les ongles enfoncés dans ses cheveux, la figure inondée de larmes, avec des rugissements de panthère blessée, elle blasphéma le ciel, maudit le roi, maudit sa couronne, maudit cet amant qu'elle n'aimait pas et qui lui tuait le seul amant qu'elle eût aimé, se maudit elle-même, et, par dessus tout, maudit ce peuple qui, chantant cette mort dans les rues, l'accusait d'avoir fait ce sacrifice humain à son complice Acton; enfin se promit de reverser sur la France et sur les Français tout ce fiel extravasé au fond de son coeur.

Pendant cette agonie, une seule personne, confidente de tous ses secrets, et qu'elle allait associer à sa haine, put pénétrer jusqu'à elle: ce fut sa favorite Emma Lyonna.

Les deux années qui s'étaient écoulées depuis cette mort, la plus grande douleur peut-être de toute la vie de Caroline, avaient pu épaissir le masque d'impassibilité qu'elle portait sur son visage, mais n'avaient en rien cicatrisé les blessures qui saignaient en dedans.

Il est vrai que l'éloignement de Bonaparte séquestré en Égypte, l'arrivée à Naples du vainqueur d'Aboukir avec toute sa flotte, la certitude que, par cette Circé nommée Emma Lyonna, elle ferait de Nelson l'allié de sa haine et le complice de sa vengeance, lui avaient donné une de ces joies amères, les seules qu'il soit permis de connaître aux coeurs en deuil, aux âmes désespérées.

Dans cette situation d'esprit, la scène qui s'était passée la veille au soir au palais de l'ambassade d'Angleterre, c'est-à-dire les menaces de l'ambassadeur français et sa déclaration de guerre, loin d'avoir effrayé notre implacable ennemie, avaient, au contraire, résonné à son oreille comme le tintement du bronze sonnant l'heure si longtemps et si impatiemment attendue.

Il n'en était pas de même du roi, sur lequel cette scène avait produit une très-fâcheuse impression et auquel elle avait fait passer une fort mauvaise nuit.

Aussi, en rentrant dans son appartement, avait-il commandé qu'on lui préparât le lendemain, pour se distraire, une chasse au sanglier dans les bois d'Asproni.

FIN DU TOME PREMIER