Mon passé recomposé

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Mon passé recomposé
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Mon passé

recomposé

(Petites réflexions sur ma vie)

René Specker


Impressum

Texte : © Copyright by René Specker


Umschlag: © Copyright by René Specker


Verlag: René Specker

68300 SAINT-LOUIS

rene.specker@orange.fr

Druck : epubli ein Service der

neopubli GmbH, Berlin

ISBN 978-3-746783-48-2

Printed in Germany

Bibliografische Information der Deutschen Nationalbibliothek

Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über http://dnb.d-nb.de abrufbar.

Table des martières

Prologue

Mes premières frasques

La naissance de mon fils

Dialogue avec mon fils

Dialogue avec Gabrielle

Mes regrets

Le retour de Gabrielle

Les questions de monsieur F.

Monsieur F., suite des confidences

Méditation personnelle

Dans le tram

Lettre à une amie, Magali

Lettre à moi-même (mon passé)

Résolutions

Nouvelle lettre à Magali

Parenthèse entre amis

Errance dans la ville et dans mes pensées

Chapitre 16 : La boussole

Retours en arrière

Le dentiste

Souvenirs avec Frédéric

Mes nouvelles résolutions

Épilogue

Prologue

Cette biographie, j’ai commencé à l’écrire il y a bien longtemps, alors que mon fils était encore en bas âge. En ce temps-là, je l’avais rédigée en m’imaginant que ma situation allait se modifier. Mais aujourd’hui, force est de constater que ce ne fut pas le cas. Ma vie est restée telle quelle, alors je continue l’écriture, en solitaire. À l’époque, il était important que les enfants soient élevés par leurs parents et qu’ils profitent d’une vraie vie de famille. Malheureusement, je n’ai pas connu ce bonheur. À cause des séquelles de mon accident, ma famille a souhaité à tout prix élever mon fils et me laisser de côté. Je n’ai donc pas eu cette chance de donner l’essentiel à mon enfant, alors que – je le vois bien – les enfants vivent habituellement avec leurs parents !

Nous nous retrouvions parfois en famille, mais une fois rentré chez moi, je me rendais compte que ma vie était chaotique. D’ailleurs, nous connaissions davantage de bas que de hauts !

Années 1980, 1990, 2000… les années passent, et un beau jour, je retrouve, au fond de mon tiroir, des manuscrits rédigés comme des lettres, et qui vont constituer ma biographie. Je ne pensais pas que je reprendrais ces textes pour les faire publier. Bien évidemment, je n’avais pas écrit ces pages pour qu’elles soient éditées. Non, seulement pour « avoir un plus » sur ma personne. Pour apprendre à mieux me connaitre. Mais une chose est sûre, j’écris depuis longtemps.

Cette biographie est sincère et véritable à 100 %. Elle raconte ma vraie vie, elle fait partie de moi, elle me tient à cœur. Je la reprends en main début 2018, des années après l’avoir commencée. Je corrige l’orthographe de ma jeunesse et, en même temps, je me dis que si j’avais à revivre le déroulement de ma vie, j’agirais autrement.

À l’époque, j’avais imaginé bien des projets, mais ceux-ci sont restés en veilleuse, car mon handicap de « fermer ma bouche au lieu de l’ouvrir quand il le faut » m’a joué un certain nombre de tours dans ma jeune vie. Toutefois, j’ai pris la peine de les mettre sur papier, sans en dire un mot à qui que ce soit. C’est comme cela que je me suis pris en main et que j’ai assumé mes responsabilités. Ainsi, peu à peu, j’ai remonté la pente en gardant continuellement les yeux fixés sur mon hobby, l’écriture. Cette « barrière » que j’avais cru impossible à dépasser auparavant, je l’ai franchie.

Dans ce livre de souvenirs, je souhaiterais raconter que la curiosité à vouloir savoir plus que les autres est un vilain défaut. En effet, j’ai toujours eu hâte de découvrir et de voir plus loin que le bout de mon nez. Et les conseils de mon amie Gabrielle, je les ai oubliés durant des années. Dans ma jeunesse, je me disais : « J’ai envie de connaitre les quartiers pauvres de la ville, mais aussi les quartiers chics. »

C’est à ce moment-là qu’a commencé ma dégringolade, car je connaissais bien des dépendances. Au fur et à mesure du temps qui passait, mon laisser-aller m’a conduit là où je n’aurais jamais dû mettre les pieds. J’ai fait fausse route, je me suis enfoncé et je savais déjà qu’il serait difficile de freiner un jour. Mais, petit à petit, j’ai réussi à passer de l’échec à la renaissance.

Je précise que dans mon autobiographie, j’ai ajouté des personnages qui restent du domaine de la fiction, comme celui de Gabrielle. N’empêche que mon écrit est un vrai récit de vie, que l’histoire de ce roman est véridique et qu’il relate bel et bien des moments de ma vie. Bien que Gabrielle soit une personne fictive, mon panneau d’indication de vouloir m’accrocher à une étoile est bien réel. En changeant de direction, par l’entraînement, par un long travail sur moi-même, j’ai écrit des pages entières sur ma machine à écrire, retraçant les événements passés et présents. Et aujourd’hui, je les présente sur le papier.

D’autres joies, d’autres connaissances, d’au-tres portes se sont offertes à moi, notamment la lecture qui a permis à mon esprit de s’ouvrir davantage. Mais, de nouveau, faute de concentration, je me suis emballé trop rapidement sur mes projets d’avenir. Alors, je me suis dit qu’il fallait absolument que je revienne sur terre.

Aujourd’hui, bien des années ont passé. Quand je repense à tout cela, je constate à quel point l’ignorance et le laisser-aller peuvent conduire les jeunes sur un chemin erroné.

Remontons donc ensemble, amis lecteurs, le courant de ma vie depuis mon enfance jusqu’à celle de mon propre fils, Frédéric, et poursuivons avec les années qui ont suivi et ont composé ma vie. Années de bonheur ou de malheur ? À vous de choisir, chers lecteurs.

Mes premières frasques

En 1964, tout en me promenant dans mon village, un bourg de mille habitants, je regarde les fermiers faire sortir les vaches de la cour pour les emmener sur la colline. Une fois sur la route, celles-ci laissent leurs bouses salir le chemin. À cette époque, les routes sont étroites, et les voitures, on peut les compter sur les doigts de la main. Je croise deux à trois tracteurs qui laissent leur boue de terre sur la chaussée.

Le jeune garçon que je suis va chercher tous les soirs son lait frais chez le fermier. Je sens l’odeur des vaches en ouvrant la porte de l’étable et aperçois le paysan qui trait ses bêtes. Comme cela ne me plait pas vraiment, moi qui cherche à en savoir davantage sur la vie, je me dis :

— Il doit bien y avoir sur terre autre chose que cette campagne ! Peut-être qu’en allant dans une ville, j’y verrais plus clair ?

Alors, je décide d’en parler à ma famille en espérant que d’autres réalités existent. Mon père, qui m’adore, me répond :

Oui, il y a ”autre chose” que cette vie campagnarde. L’autobus qui passe dans notre village chaque fin de semaine peut t’emmener à la ville. Tu as treize ans maintenant et tu peux bien t’offrir une petite sortie. Seulement, il ne faut pas oublier de rentrer le soir et pour cela, tu devras acheter un ticket retour. Tu peux en parler au chauffeur de car qui te dira quoi faire. Veux-tu y aller ce dimanche ? Qu’en penses-tu ?

Arrive le dimanche matin où j’embrasse mes parents, puis me dirige vers l’arrêt du bus.

— Que mes parents sont gentils de me laisser aller seul vers l’inconnu ! Jetons un dernier coup d’œil dans mon sac : ai-je pris mon livre ? Oui. Ah ! Voilà mon bus.

Le chauffeur appuie sur le bouton qui ouvre la porte. À peine suis-je monté dans le bus que le conducteur me demande :

 

— On fait une balade, jeune homme ? Et où voulez-vous aller ?

— Je voudrais un billet aller-retour, s’il vous plait, Monsieur. À quelle heure est le retour ?

— À seize heures ou à dix-huit heures, répond le chauffeur. Voilà le billet aller-retour, jeune homme. Je vous préviendrai quand nous serons arrivés.

Assis au fond du bus, je jette un coup d’œil en arrière et regarde ma maison s’éloigner. Puis, je me retourne et commence ma lecture. De temps à autre, je lève la tête, admire le paysage et me replonge dans mon livre (il faut dire qu’il s’agit davantage de dessins que de texte). Parfois, l’envie me gagne de vérifier sur ma montre si les trente minutes sont passées. Encore dix minutes…ce n’est pas trop tôt ! Mais, je préfère demander au chauffeur :

— On est arrivé, Monsieur ?

— Encore quelques kilomètres.

À travers les fenêtres de l’autocar, je regarde les beaux costumes, les lumières des vitrines, les rails des trains qui se croisent et dont je perçois les sifflements. Pas de tracteurs ni de vaches à travers la route, tout est net, propre. Le chauffeur m’interrompt dans son observation et me prévient :

— Terminus. N’oubliez pas ! Ce soir, à seize heures, ici.

Une fois descendu, je commence ma balade dans la ville et observe avec attention les rues, les passants, tout ce qui est nouveau pour moi. J’aperçois des amoureux en train de s’embrasser, et cette vision, pour moi qui viens de la campagne, me fait immédiatement réagir.

— Si ce n’est pas honteux, devant tous ! Jamais je ne ferai cela. Mais, c’est quoi ce magasin ? Il y a beaucoup de livres. L’un après l’autre, sur les rayonnages. Et les titres ! C’est beau de pouvoir s’instruire. Tiens, de nouveau ils s’embrassent. Peut-être est-ce normal ? Après tout, je suis dans une ville. Ah ! Voilà un café.

À peine entré dans ce lieu, je réalise qu’aucune table n’est disponible. Elles sont toutes occupées par des jeunes de mon âge. Mais, tant pis, je m’assieds tout de même à leur table.

— La chaise est encore libre ? je leur demande.

— Mais oui ! Prenez place. Comment ça va ? Vous n’avez pas l’air de venir de ce coin-là. Ai-je tort ?

— Non. Je viens d’un petit village et je remarque qu’il y a plein de choses à découvrir, ici !

— Ah ! On commence à comprendre : tu es un gars de la campagne. Et comment s’appelle-t-il ce ”paysan” ?

— Joseph.

— Tu viens vraiment d’un village et ça se remarque rien qu’à entendre ton prénom. Retourne dans ta campagne, ”paysan”, et laisse-nous tranquilles !

— Mais je ne veux rien, et mon prénom est un prénom comme un autre…

— Et nous, on n’a pas l’habitude d’être à table avec un jeune de la campagne.

Les citadins se sentent forts, accompagnés de leurs copines qui aiment leur grande bouche et leurs rigolades. Bien sûr, ils s’amusent à me rabaisser et, sans prononcer un quelconque mot de colère, je bois mon coca, puis je m’en vais, mais n’oublie pas. Car à l’intérieur de moi, je bouillonne… et veux en faire voir à ces « gens de la ville ». Alors, parlant tout bas, je me dis :

— Pour le premier jour où je suis dans une ville, je ne veux pas attirer l’attention, mais je reviendrai.

C’est parti ! À moi les joies de la vie. Je m’amuse toute la journée : jeux, petits coups à boire par-ci, par-là... J’ai envie de me montrer plus fort que mes camarades de la ville et veux à tout prix les épater ! Alors, je commence par voler dans un supermarché. Oh, pas grand-chose : un parapluie ! Par chance, je ne suis pas repéré. Je sors alors à toute vitesse du magasin et rejoins les jeunes du café. Croyant les impressionner, je leur lance : « Voilà les gars, c’est fait... » Mais, en entendant cela, mes copains me tournent le dos et me quittent. Alors, je leur demande la raison de leur départ précipité.

On ne veut pas avoir affaire à un voleur. Nous ne faisons pas des choses comme ça, m’explique un des jeunes, prénommé Marc.

Mais, je ne voulais que vous impressionner !

Ainsi, je prends conscience de ma méprise. Mais, trop tard… Ils s’en vont, moi aussi. Sur le chemin du retour jusqu’à la gare d’où je prendrai le bus de seize heures, je murmure :

— Jamais plus, je n’agirai ainsi. Vouloir se montrer en réalisant un petit coup tordu, cela n’amène à rien de bon. Je m’aperçois maintenant que les jeunes de la ville sont aussi honnêtes que ceux de la campagne, même s’ils veulent se rendre intéressants devant leurs copines. Je m’y suis donc mal pris. Cet « ailleurs » semble différent de chez soi, mais les valeurs restent les mêmes à n’importe quel endroit. Je ne veux pas que quelqu’un dans mon village soit mis au courant du larcin que j’ai commis. J’ai honte ! « Bouche cousue », surtout pour mes parents.

Arrive la fin de la journée… Mon paternel me demande :

— Alors, comment s’est passée cette journée, fiston ?

— Très bien. Il a fait beau toute la journée, j’ai fait du lèche-vitrine. La semaine prochaine, j’aimerais bien y retourner.

— On verra, fiston. On verra…

Dans huit jours, je pourrai aller de nouveau en ville où je pourrai boire un café. Je suis sûr que j’épaterai encore mes copains. Effectivement, je retourne de temps en temps en ville, mais pas vraiment pour étonner mes amis.

En effet, les événements vont se dérouler différemment. À dix-huit ans, j’essaie d’obtenir mon permis de conduire. Malheureusement, je ne m’attendais pas à passer un oral et j’échoue. Je devrai repasser le code quatre fois avant de pouvoir dire « ouf, j’ai réussi ! » Bien sûr, les premiers avertis sont mes copains de la ville.

Comme par magie, ceux-ci me répondent :

— Maintenant que tu as le permis, ne voudrais-tu pas une voiture ? Nous avons la solution, ne t’inquiète pas, on t’en procurera une. Laisse-nous un peu de temps et nous viendrons te chercher chez toi.

Deux à trois jours plus tard, les voilà arrivant dans mon village et rejoignant mon domicile. Ils m’aperçoivent dans la rue, m’interpellent et me montrent leur belle voiture de sport. Ils m’expliquent :

— Tu vois, on te l’avait dit. Si tu veux, elle est à toi. Nous avions déjà vendu ce bolide à quelqu’un d’autre, mais comme il n’a pas tenu ses engagements, nous lui avons repris. Il faut juste changer une nouvelle fois la date sur la carte grise, me dit Marc.

— Mais, tu as déjà écrit dessus, je lui fais remarquer.

— Ce n’est pas grave. Je change la date et c’est bon.

— D’accord, je l’achète.

Nous signons un acte de vente, soi-disant en « bonne et due forme », mais le jour où je veux changer la carte grise, la gendarmerie s’en mêle et les soucis commencent. À vrai dire, de sérieux problèmes. Eh oui, les gendarmes m’annoncent qu’il s’agit d’une falsification de papier et que je risque la prison !

Pauvre de moi, avec mon envie de toujours vouloir savoir comment vivent les « gens de la ville », je m’attire les pires ennuis. Je me répète continuellement que je n’agirai plus jamais ainsi, mais ce qui est fait est fait. Je me dis également : « J’ai encore beaucoup de choses à apprendre dans ma vie. »

La naissance de mon fils

Quelque temps après l’épisode de la voiture, je fais la connaissance d’une fille du village d’à côté. Comme tous les jeunes de notre âge, nous nous fréquentons, mais rapidement survient un problème. La jeune fille – que j’appellerai Pierrette – tombe enceinte. Elle m’explique :

— Je n’ai que seize ans. Je suis trop jeune pour avoir un enfant.

Discussions après discussions, Pierrette m’an-nonce qu’elle souhaite avorter. Pour toute réponse, je lui précise :

— Si tu gardes ce bébé, je serai là pour lui, mais si tu choisis de faire une interruption de grossesse, tu ne trouveras pas d’aide chez moi. Je suis né catholique et je n’ai pas l’intention d’aller contre les lois de Dieu ni contre mes croyances. Tu n’as donc pas de morale ? Comment peux-tu penser à cela ?

Sur ce, Pierrette me répond :

— Puisque tu le prends comme cela, non seulement je vais le faire, mais toi, tu ne t’en tireras pas à si bon compte. Bye, bye...

Deux ans passent, mais je ne souffle mot de cette histoire ni à mon entourage ni à ma famille. Un jour, je revois mon ex-copine et celle-ci m’annonce :

— Tout s’est bien déroulé. Par la suite, j’ai heureusement fait la connaissance d’un jeune homme dont je suis folle amoureuse, et je vais bientôt me marier. Mais toi, mon ami, tu es mal vu des gens qui étaient près de moi pour m’aider.

Quelques années plus tard, après ce drame, mon père décide de m’acheter une voiture. Évidemment, comme un fieffé touche-à-tout, je n’en fais qu’à ma tête. Me croyant intelligent de rouler en état d’ivresse, je suis condamné à une suspension de permis. N’importe qui se serait terré chez lui, mais moi, je juge opportun de m’offrir encore une balade en voiture avant de remettre mon permis aux autorités. Après avoir parcouru une soixantaine de kilomètres, j’aperçois une belle jeune femme devant l’arrêt du bus. Cheveux longs, noirs. Jupette et souliers à talons, c’était la mode à l’époque ! Moi, je ne suis pas mal non plus. Habillé simplement, et comme le veut la mode, des cheveux longs aussi, noirs.

Bref, je fais la connaissance de cette jeune femme et, oubliés, le retrait de permis et la gendarmerie. Alors, ce qui devait arriver arriva...

En fait, j’ai toujours une envie d’aller voir si l’herbe est plus verte chez le voisin que chez moi. Bien que je sois majeur et donc capable de me concentrer, c’est toujours le contraire qui se produit. Il m’est impossible de résister aux filles faciles ou à celles qui portent des souliers à talons hauts. En tant que jeune adulte qui a grandi vite, je ne connais pas d’autres distractions que le sexe. Aller visiter une exposition au musée, voir une pièce de théâtre ou me promener dans un jardin zoologique... rien de tout cela ne m’intéresse ! Pourtant, mon portefeuille qui se vide devrait me raisonner, mais non...

Au fur et à mesure que s’écoulent les mois, je me demande même pourquoi je travaille ! À peine ai-je perçu mon salaire que je le dépense à ce que je pressens comme devenant mon vice. Mais, j’ai tout de même envie de freiner ce jeu, et j’éprouve le besoin de redevenir une personne sérieuse. Que dois-je faire, comment m’y prendre ?

Trop c’est trop, et si je ne m’arrête pas (me dis-je), ce problème va s’accentuer.

Alors, depuis cette rencontre avec cette jolie jeune femme, j’attends désormais avec impatience chaque fin de semaine pour la revoir. Un samedi, elle me prévient qu’elle va me faire une jolie surprise et m’annonce qu’elle est enceinte. Eh oui, mais cette fois-ci, l’âge n’entre plus en ligne de compte puisque « Rose » a trois ans de plus que moi. De plus, je suis fou amoureux d’elle et réciproquement. Heureux de cet événement, nous chantons tous les deux, nous sifflons des airs de musique. Arrive le dimanche soir où il faut de nouveau se quitter. Je reprends confiance en moi, et même si je n’ai pas mon permis en poche, la vie est belle. De retour chez moi, mes parents sont tout étonnés de me voir aussi gai et m’en demande la raison.

— Je dois vous le dire. Rose est enceinte de moi.

— Quoi ? Tu en es sûr ? Comment vas-tu élever ton enfant ? Tu n’as pas de travail !

— Eh bien, je n’ai plus qu’à en trouver.

Après l’étonnement de mes parents et un temps d’adaptation, mon quotidien avec Rose reprend le dessus. Oui, je me considère maintenant comme un « homme », davantage confiant en moi, mais pas totalement. Bien que je sois un peu volage, je prends parfois le temps de m’asseoir dans la nature et de méditer. Un jour, alors que je suis en chemin pour atteindre la forêt la plus proche, j’aperçois une pancarte sur laquelle il est écrit : « Vous ne pouvez pas tendre la main à quelqu’un qui ne le désire pas, mais vous pouvez venir en aide à une personne qui cherche à renforcer son caractère. »

À la suite de cette lecture, je me dis :

— Je sais ce que ce passage signifie, à savoir que je ne peux pas aider une autre personne sans son consentement. Qu’il y aura toujours des famines, des pauvres et des riches ! En revanche, je peux m’aider moi-même. Je peux faire en sorte que les circonstances soient meilleures pour moi. Elle n’est pas inintéressante cette pancarte, mais pour le moment et pour longtemps encore, mes soucis sont d’une autre nature. Je cherche du travail et je n’en trouve pas, et de plus ma copine attend un bébé. Alors, ces quelques mots ne sont que du vent pour moi.

 

Un beau matin, mon fils, Frédéric, vient au monde pour la plus grande, pour l’immense joie de ses parents. Nous l’élevons avec tout notre amour et il nous comble de bonheur.

Cinq années passent… Je travaille dans une usine et ma concubine s’occupe de notre bébé. Notre rêve de vouloir nous acheter une caravane s’évanouit doucement pour faire place aux soucis quotidiens. Pendant tout ce temps, nous vivons chez mes parents et l’appartement dans lequel nous aurions aimé habiter se fait attendre. Nous sommes aux petits soins auprès de notre fils, peut-être trop d’ailleurs, car il ne lui est pas possible de faire un pas sans que nous ne soyons derrière lui. Mais, rester chez ses parents n’est pas la solution idéale… et nous le ressentons quotidiennement. Cette situation ne pouvant plus durer, un beau jour, ma compagne m’annonce :

— J’aimerais que nous prenions un appartement…

— Mais Rose, nous ne pouvons pas payer de caution, je lui réponds.

— Eh bien, économisons ! dit-elle.

Quelques semaines plus tard, après en avoir bien discuté, nous finissons par louer un deux-pièces. Comme nous sommes en été et qu’il fait chaud, je propose d’emmener mon fils à la piscine. Celui-ci s’en réjouit et me dit :

— Tu sais, je me suis fait de nouveaux copains, papa. À l’école, il y a plein de jeux. C’est mille fois plus amusant que dans notre village.

J’écoute attentivement mon fils, mais reste cependant perdu dans mes pensées et surtout dans mes soucis que je ressasse. Je ne m’entends plus avec Rose ni avec mes parents qui viennent me voir régulièrement jusqu’au jour où, ayant à peine emménagé dans notre nouvel appartement, je découvre une lettre de Rose posée sur la table. « Chéri, je suis partie et je ne reviens que dans deux semaines ! » Inutile de se demander quelle est ma réaction immédiate : je change la serrure de mon appartement pour que Rose ne puisse plus y rentrer à son retour. Ensuite, le petit Frédéric retourne chez sa mémé et rebelote, il doit abandonner ses nouveaux copains pour retrouver ceux du village. Un jour, il me demande :

— Pourquoi faut-il tout recommencer, papa ?

— Tu sais... Ta maman et moi, nous ne nous entendons plus très bien, et nous avons pensé qu’un peu de distance entre nous deux nous ferait le plus grand bien.

— Je ne comprends pas. Et moi, alors ?

— Toi, tu es la part la plus importante de ma vie !

N’osant pas me répondre, Frédéric m’obéit et accepte à contrecœur d’aller à nouveau chez sa grand-mère. Pourtant, l’envie d’ajouter un mot lui brûle les lèvres :

— Tu sais, papa. Je vais chez mémé parce que je t’aime, mais je préférerais rester chez toi.

— Oui, je sais. Moi aussi, je t’aime, et cela me fait autant de mal qu’à toi. Mais l’amour que l’on se porte est si grand que les distances ne représentent rien à côté. De toute façon, je te téléphonerai tous les soirs et le week-end, tu viendras chez moi et tu pourras regarder la télé.

— Et on jouera au jeu de la marelle ?

— Également au jeu de dames, cela aussi tu aimes ?

La suite n’est pas difficile à comprendre. L’enfant, de retour dans le foyer de ses grands-parents, est gâté par eux plus que de raison. Alors, j’essaye d’intervenir, mais sans succès, et je sens que peu à peu je perds le contrôle de la situation, notamment en ce qui concerne l’éducation de mon fils.

Un jour, Rose daigne me passer un coup de fil, mais hélas uniquement pour me cribler de reproches.

— Tu n’avais qu’à être plus à la maison qu’ailleurs, me lance-t-elle !

À dater de ce jour, je me mets à succomber à toutes sortes de tentations. Dépendance à l’alcool, aux cigarettes. Et quand je ressens un creux dans le ventre, je me dirige vers les machines à sous, mais pas longtemps, juste pour le creux, et en espérant qu’un peu d’argent tombera entre mes mains ! N’ayant jamais eu précédemment d’attirance pour ces machines-là, je n’en suis pas trop accro. Jouer ne me plait pas ni ne me tente. Mais que puis-je faire ? À chaque fois que je n’ai plus un sou pour mes besoins personnels, je vends tout ce qu’il me reste. Une veste, mon magnétophone, ou encore l’accordéon que j’avais reçu de mon père…

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